2024 · Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée
ÉRIC VIGNER amorce le cycle du Centre de Recherche et de Création Théâtrale de Pau autour de l'œuvre de MUSSET avec Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée qu'il crée avec CHRISTÈLE TUAL et THIBAULT DE MONTALEMBERT en 2024.
"Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée est un proverbe en un acte
d’ALFRED DE MUSSET
publié en 1845 dans la Revue des deux mondes
et joué pour la première fois dans cette année révolutionnaire de 1848.
Un soir d’ouragan, une marquise et un comte se retrouvent
de façon inattendue face à face. Le dérèglement météorologique les contraint
à devoir ne pas quitter les lieux et trouver une résolution à leurs atermoiements.
À travers ce duo, qui confronte en huis clos deux interprètes d’exception,
MUSSET travaille la question de l’amour ou plutôt la vérité de son expression en littérature.
Avec le temps, l’œuvre de Musset peut faire écho à bien des égards à celle de
MARGUERITE DURAS. Ce sont tous deux des écrivains de l’amour.
Ce thème a été celui de l’écriture pour toute leur vie.
C’est en partie grâce à cette connaissance de l’œuvre de DURAS
que je lis au-delà du temps
celle du jeune poète romantique.
Sous l’apparence des personnages épiques et hauts
en couleur de la marquise et du comte apparaissent d’autres figures,
celle d’un homme et d’une femme tout entier au travail d’écrire
avec un langage nouveau quelque chose de la vérité essentielle de l’amour.
Ce pourrait être aussi celui de deux acteurs tout
droit sortis d’un théâtre inventé proche
du XVIIème
siècle qui reviendraient au XXIème
sur la scène du Théâtre Saint-Louis nous proposer
des tableaux sortis de l’imagination éclectique
de MUSSET. Des figures en tableaux qui apparaissent
et disparaissent par fragments dans la nuit au gré
d’un récit chaotique issue des rêves de l’auteur
et dans la traversée intemporelle des styles
et des écritures.
Car c’est bien là un des talents de MUSSET,
celui d’être traversé et soudain l’écriture jaillit
avec une évidence et une clarté qui font de lui
un être singulier dans le paysage romantique.
Des figures légendaires, mystiques et tutélaires
qui traversent la culture multidimensionnelle de l’auteur. Adam et Ève chassés du paradis
ou Tristan et Iseult les amants éternels
que l’on retrouve sous les traits de Roméo et
Juliette, de Didier et Marion dans l’oeuvre
de VICTOR HUGO, de Pélleas et Mélisande
chez MAETERLINCK ou tout aussi bien du Vice-consul
de Lahore et d’Anne-Marie Stretter.
Cette compréhension palimpseste de l’œuvre
demande un grand travail aux acteurs qui doivent
construire un parcours de sentiments contrastés
qui donneront ce relief au paysage MUSSET
dans l’incarnation des mots."[1]
ÉRIC VIGNER
"Si vous venez me voir et que je ne sois pas là, vous vous assoirez dans mon fauteuil ;
en rentrant j'y trouverai votre ombre."[2]<
ALFRED DE MUSSET
"Écrire ce n'est pas raconter des histoires, c'est raconter une histoire et son absence,
c'est raconter une histoire qui en passe par son absence."[3]
MARGUERITE DURAS
"MUSSET pose une réflexion ouverte sur l’avenir de la création poétique,
en choisissant de partir non des genres qu’il a explorés
mais de son expérience d’écrivain.
La dynamique métalittéraire du texte rétrospectif et visionnaire,
éclaire toute l’œuvre ; car MUSSET interroge
davantage le statut de l’artiste que telle ou telle forme d’art
et est centré sur la figure du créateur, non sur des querelles de forme.
La réflexion poétique de MUSSET dépend donc
étroitement du comportement humain, non d’une affiliation à telle ou telle
école."[4]
SYLVAIN LEDDA
"Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, le titre est vraiment net,
il n'y a pas d'alternative, c'est ouvert ou fermé,
qu'on parle de la porte mais aussi du cœur ou de la bouche des personnages.
Il faut parler ou il faut se taire. There is no alternative.
On s'aime ou on se quitte. En tout cas, c'est avec cet impératif en tête
qu’on peut comprendre les enjeux qui se déroulent pendant cette pièce
qui est courte, et qui est donc ce temps suspendu entre l'ouverture
et la fermeture de la porte avec deux personnages qui, en quelque sorte,
hésitent sur le seuil. Est-ce qu’on va rester là ensemble pour la vie ?
Où est ce qu’on va ne plus se voir ? En effet, au début de l'action,
le comte entre chez la marquise, mais il est presque prêt
à repartir tout de suite. Il se dit embarrassé, malade,
il est prêt à repartir. Mais le dialogue continue.
Et au fil du dialogue, ce qui se joue surtout là,
c'est la tentative répétée pour le compte de dire son amour à la marquise,
mais elle se méfie de toute déclaration, se méfie du langage,
la marquise exige une parole de vérité et pas une déclaration comme une autre."[1]
PIERRE CAUSSE
[2] Citation d'ALFRED DE MUSSET, Dr Raoul Odinot, Étude médico-psychologique sur Alfred de Musset, 1906
[3] MARGUERITE DURAS, La Vie matérielle, Éditions P.O.L 1987
[4] SYLVAIN LEDDA, Extrait Le Poète déchu Autopsie et testament d’un romantique, 2009
©Photographies: Jean-Michel Ducasse, Jutta Johanna Weiss
Textes assemblés par Jutta Johanna Weiss