Il Sole 24 ore · 7 janvier 2001 · LA DIDONE

Il Sole 24 ore · 7 janvier 2001 · LA DIDONE
Una Didone in trasparenza
Presse internationale
Critique
Carmelo Di Gennaro
07 Jan 2001
Il Sole 24 ore
Langue: Italien
Tous droits réservés

Il Sole 24 ore

7 janvier 2001 · CARMELO DI GENNARO

Une Didone transparente

Mettre en scène un opéra du dix-septième siècle vénitien, comme LA DIDONE de FRANCESCO CAVALLI (1641, livret de GIAN FRANCESCO BUSENELLO) reste une opération fascinante et complexe, surtout en vertu de la nature intrinsèque du travail.

En effet, comme le soumet le librettiste, la réalité historique (ou mieux : l’histoire légendaire) est enrichie d’une série d’épisodes secondaires et d’une intrigue complexe autour des relations, d’une manière qui accède naturellement à la transition entre : les personnages historiques et les dieux, entre les héros et les bouffons, entre le rire et le drame.

Notamment, comme pour presque toutes les œuvres contemporaines, il n’existe pas de partition orchestrale – excepté  pour l’ORFEO de MONTEVERDI -, mais on peut trouver un manuscrit annoté  uniquement d’une ligne mélodique et d’une ligne de basse continue.

Il s’ensuit que personne n’est prêt à réaliser une nouvelle production d’un chef-d’œuvre similaire, il ne suffit pas de réaliser la partition pour l’exécution (tâche qui concerne seulement l’orchestre) mais il faut également chercher comment orienter le spectateur moderne dans le labyrinthe de l’intrigue.

La voie choisie par CHRISTOPHE ROUSSET (le chef d’orchestre) et par ÉRIC VIGNER (le metteur en scène et scénographe) pour la nouvelle production de LA DIDONE, vue et écoutée à l’Opéra de Lausanne, est la suivante : plus se concentrer sur le côté dramatique de l’oeuvre, c’est-à-dire sur le drame politique et personnel d’Enée fuyant Troie en feu, et sur l’amour pur de l’héros pour la reine Didone, sentiment qui, pour cette dernière sera en son temps une peine inapaisable.

Ainsi, ces spectacles grandioses dont les durées gravitent à l’origine autour des 4-5h adaptent leur durée en fonction des attentes du spectateur d’aujourd’hui, distillant de la partition tous les moments de beauté absolue, qui ne sont pas peu nombreux.

La technique du recitar cantando, donc, ne se fond pas si bien dans les ariosi, qui apparaissent relativement assez tard, mais plutôt dans les lamenti extraordinaires, forme poético-musicale d’une harmonie inégalable.

Déjà MONTEVERDI, dans un tel domaine, avait atteint des résultats grandioses (avec le célèbre LAMENTO DE PENELOPE, en ouverture du RITORNO D’ULISSE IN PATRIA),  mais aussi CAVALLI qui n’en est pas des moindres : IL LAMENTO de Cassandre, contenu dans le premier acte de cette DIDONE,  est une des pages du pathos démesuré.

Si ROUSSET, à la tête de son groupe (aux instruments originaux) LES TALENS LYRIQUES, dirige avec politesse et fantaisie, - enrichissant de cornets et de flûtes quand il le faut les minces lignes de CAVALLI – le jeune metteur en scène VIGNER permet à ses chanteurs-comédiens d’exécuter quelques gestes expressifs chargés de mystère, de telle sorte que tout les feu de la passion, du désir, de la douleur et du désespoir sont contenus dans le chant, et non pas dans l’action figée.
La scène, quasiment vide, est parsemée de cinq meubles en plastique transparents, plus appropriés à évoquer les espaces qu’à les créer.

Les dieux (Giunone, Venere, NEttuno) sont reconnaissables car ils sont les seuls à être habillés dans le style du XVIIe siècle, et l’unique référence iconographique précise se trouve dans les peintures de LONGHI : la réalisation scénique, mesurée et intelligente sert grandement la musique de CAVALLI.

De même, les chanteurs font honneur à cette musique par leur crédibilité vocale et scénique : tout d’abord, JUANITA LASCARRO incarne une magnifique Creuse (la femme d’Énée), puis une Didone souffrante, puis TOPI LEHTIPUU (Énée) et IVAN LUDLOV (Iarba) s’illuminent en adhérant parfaitement et habilement au style du XVIIème siècle.

On se rappelle encore de la remarquable KATALIN VARKINYI, dans le double rôle  d’Anna et de Cassandre.