L'Humanité · 5 octobre 1999 · L'ÉCOLE DES FEMMES

L'Humanité · 5 octobre 1999 · L'ÉCOLE DES FEMMES
Vigner assèche, gèle, étrique, minimalise la comédie.
Presse nationale
Critique
05 Oct 1999
L'Humanité
Langue: Français
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L'Humanité

5 octobre 1999

Lyophilisation de l'École des femmes

Dans la "Maison de Molière", comme on dit, c'est Éric Vigner qui se livre à des expérimentations sur l'École des femmes. Il est clair qu'il s'empare de l'oeuvre pour signifier qu'il est plus intelligent que tous ses devanciers, Poquelin aussi sans doute qui, parait-il, dans le rôle d'Arnolphe, ne lésinait pas sur le côté farce. Quels que soient les discours consignés dans le programme (notamment un passage du séminaire de Jacques Lacan), la seule démonstration qui vaille, en dernière instance, doit être d'ordre scénique. Nous assistons, sous le prétexte d'enfin donner à entendre l'écriture, à une lyophilisation résolue de l'histoire d'Agnès, petite dinde cousue main qui tourne fine mouche au grand dam d'Arnolphe, lequel, par terreur d'être cocu, fera tout pour le devenir.

Glissons sur le décor (Claude Chestier), sorte de jeu de construction pour villa suédoise et les costumes des femmes, grisâtres corolles (Pascale Robin), passons sur la musique (piano, violon, clarinette) due à Emmanuel Dandin (un nom d'époque), qui fait très grand genre petits moyens, et considérons l'essentiel du corps du délit.

Vigner assèche, gèle, étrique, minimalise la comédie, inflige à son monde un carcan. Le seul pour qui cela s'avère bénéfique est Bruno Raffaelli (Arnolphe), de tempérament sanguin. Ici tenu en laisse, il gagne en profondeur.