La Croix · 9 octobre 1991 · LA MAISON D'OS

La Croix · 9 octobre 1991 · LA MAISON D'OS
Sortir des structures traditionnelles figées.
Presse nationale
Avant-papier
Didier Méreuze
09 Oct 1991
La Croix
Langue: Français
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La Croix

9 octobre 1991 · Didier Méreuze

Vigner, frère et sœur à la Défense

II s'appelle Éric Vigner. Il a 30 ans. Avec sa petite sœur, Bénédicte, il est le maître de la Compagnie Suzanne M., très jeune par son âge (un an à peine) mais déjà pleine de grandes promesses. Témoin : La Maison d'os de Dubillard présenté au début 1991 devant un public estomaqué.

Son "premier" spectacle créé sans argent ni publicité dans une ex-matelasserie transformée en piège à théâtre, au 40 de la rue Ernest-Renan d'Issy-les-Moulineaux...
Un spectacle hors norme réalisé grâce uniquement aux 40 000 F versés par 500 souscripteurs — parents, amis, anciens professeurs de ce Breton marqué par une grand-mère libertaire qui lui a appris que les seules choses à faire dans la vie étaient celles qui vous plaisaient. Un spectacle, surtout, qu'il considère comme un manifeste et dont il a pris une réplique pour devise : "Mieux vaut parler comme on veut que comme il faut."

Nourri aux mamelles d'"Au théâtre ce soir", mais formé à l'école de Brigitte Jaques après un détour par les arts plastiques, éric Vigner est passé du statut de comédien à celui de metteur en scène parce qu'il en avait assez d'un théâtre marqué par le "narcissisme" et l'"individualisme", le "consensus mou" et la "langue de bois". Et ce n'est pas un hasard si, refusant tout cousinage avec les Rambert ou Rancillac, il parle "plaisir", "convivialité", "aventure de groupe".

"Nous, nous n'avons pas envie de prendre le pouvoir. Nous appartenons à une vague nouvelle. Faire des images, c'est à la portée de tout le monde. Ça n'a aucun intérêt. De même les grands discours théoriques sur un plateau. On peut les écouter à la Sorbonne. Ce qui m'intéresse, c'est travailler en profondeur, à long terme avec une équipe, une troupe". Comme le Campagnol aujourd'hui — qui recevra La Maison d'os en décembre après la recréation du spectacle, dans le cadre du Festival d'automne. D'où son refus de s'installer dans le confort de la "résidence" comme d'entrer dans le "système au rabais" des tournées. D'où son rejet du "coup par coup" et la demande de subvention qu'il a adressée au ministère pour pouvoir investir dans les villes des lieux étrangers à l'art de la scène — telle la prison désaffectée de Brest — et travailler au niveau local l'espace de plusieurs semaines dans la droite ligne d'un Engels. Et peu lui chaut si on lui rétorque que le discours n'est pas très neuf. 

"Tout le monde parle encore de ses spectacles, même ceux qui, comme moi, ne les ont pas vus... Le théâtre doit être vivant, créer l'événement pour les spectateurs, laisser une trace. Mais pour cela, il faut sortir des structures traditionnelles figées."