Le Magazine Pompidou · Janvier 1997 · BRANCUSI

Le Magazine Pompidou · Janvier 1997 · BRANCUSI
Éric Vigner s'est employé, avec succès, à reprendre cette question de l'oeuvre d'art pour l'appliquer au théâtre.
Revue spécialisée
Hervé Gauville
Jan 1997
Le Magazine Centre National d'Art et Culture Georges Pompidou
Langue: Français
Tous droits réservés

Le Magazine du Centre Pompidou

Janvier/février 1997 · Hervé Gauville

Brancusi contre états-Unis

D'un côté, Constantin Brancusi, sculpteur d'origine roumaine installé à Paris. De l'autre, les états-Unis représentés par leur service des douanes. Entre les deux, un procès intenté par le premier contre les seconds. Objet du litige : la contestation par l'artiste d'une taxe réclamée par un douanier américain et portant sur un objet appelé Oiseau, entré dans le port de New York sur le paquebot le Paris.Le dit objet, qualifié de sculpture par son auteur, et acquis par le photographe Edward Steichen au prix de six cents dollars, devait être exposé à la galerie Brummer.
Le douanier, quant à lui, réclamait deux cent quarante dollars.

Objet manufacturé ou sculpture, original ou multiple, art ou argent, artiste ou fumiste, les principaux ingrédients étaient réunis pour animer un débat sur la question de la définition de l'oeuvre d'art.

En mettant en scène les minutes de ce procès historique, qui se déroula d'octobre 1927 à novembre 1928, éric Vigner, actuel directeur du Centre dramatique de Lorient, s'est employé, avec succès, à reprendre cette question pour l'appliquer au théâtre lui-même. évoluant pieds nus entre deux rangées de spectateurs, les actrices et les acteurs, vêtus de redingotes grises, interprètent tour à tour les rôles d'avocats, de juges et de témoins. Jusque dans leur allure sautillante et leur intonation aux accents vinés, ils évoquent la figure, énigmatique à force d'évidence, de l'Oiseau, motif du procès, et de la pièce.

à Lorient où la pièce fut reprise cet automne après sa présentation au dernier festival d'Avignon, un débat eut lieu qui soulevait un problème tout à fait wittgensteinien : où commence et où finit une pièce de théâtre ?

à trente-six ans, éric Vigner, cet ancien élève du Conservatoire national d'art dramatique de Paris, et plasticien avant de devenir metteur en scène, sait de quoi il parle. En 1993, à Brest, son adaptation, pour la scène de la Pluie d'été, écrit par Marguerite Duras, lui avait valu d'apparaître comme une personnalité susceptible de renouveler le théâtre français. Avant Brancusi contre états-Unis, il montait l'Illusion comique de Corneille qui marquait son implantation en Bretagne et confirmait les espoirs qu'il avait précédemment suscités.