Ouest France · Gens d'ouest · 29 septembre 1999 · L'ÉCOLE DES FEMMES

Ouest France · Gens d'ouest · 29 septembre 1999 · L'ÉCOLE DES FEMMES
La Comédie-Française, c'est forcément l'aboutissement d'une ambition.
Presse régionale
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29 Sep 1999
Ouest France
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Ouest France

29 septembre 1999 · Pierre FORNEROD

Le Lorientais Éric VIGNER prend pension chez Molière

Quelle histoire, pour lui... ÉRIC VIGNER, directeur du Centre dramatique de Bretagne à Lorient, réalise son rêve de gosse à Paris. Il signe une nouvelle production de L'école des femmes à la  Comédie-Française. À 38 ans, il devient le benjamin des metteurs en scène de la maison de Molière.

"La première rencontre ? Dans la salle du comité de lecture. Sous un tableau de Renoir, un vrai. Moi, le fils du garagiste et de l'employée des PTT de Janzé, au sud de Rennes, commander à ces illustres comédiens. Quelle histoire!" Depuis le mois de février, la scène a eu le temps de refroidir dans sa mémoire, mais Éric VIGNER en est encore tout ébahi.

Quand Jean-Pierre Miquel, le maître des lieux, lui a offert d'y monter un spectacle, il entrait dans les annales de la Comédie-Française. Il sera, à 38 ans, le plus jeune metteur en scène à avoir travaillé dans la Maison de Molière. Mais c'est un autre titre de gloire que le directeur du Centre dramatique de Lorient vient chercher en ces lieux. "Quand on a un métier dans le théâtre, peut-on rêver mieux que d'être ici? C'est forcément l'aboutissement d'une ambition"

Forcément aussi, il s'est attelé à un texte de Molière. L'École des femmes parce que c'est, dit-il, "la matrice de toutes ses grandes pièces". Il reconnaît avoir été un peu intimidé, le premier jour où il a donné des ordres à des comédiens dont le nom a bercé ses années adolescentes. Des gens comme Catherine Samie - "Une mémoire vivante, qu'est-ce que je peux lui apporter de plus?" - qui a déjà habité tous les rôles du répertoire. Ou Jean-Claude Drouot, en quête des personnages qui lui feront définitivement ranger les souvenirs de Thierry la Fronde.

Il y a aussi dans le générique de cette nouvelle production des complices de son jeune parcours. Bruno RaffaËlli ou ÉRIC RUF, des comédiens qui partagent son approche des choses du théâtre, l'ont épaulé dans une vision exigeante. "D'accord, on me fait une commande avec cette mise en scène. Mais je définis mon projet artistique."

Avec patience et discrétion, Éric VIGNER s'est adapté à cette maison, "une ruche en travail perpétuel", dont il a fini par apprivoiser les rites. "Je ne me sens pas écrasé par le monument." Il y vit tous les jours le même programme, calqué sur un fonctionnement séculaire. Il n'y a pas de loge à son nom: "Je ne voulais pas prendre celle d'un comédien." C'est donc dans un couloir, un atelier ou un salon qu'il donne ses rendez-vous matinaux à l'équipe technique pour peaufiner les décors, fignoler les costumes ou affiner les lumières. Avant de retrouver chaque après-midi ses interprètes, avec, là encore, un rituel qui l'épate: "Tout est minuté à l'extrême."

Ce lundi-là, à 13 h 30, il règle une des dernières répétitions en costumes. On l'entend insister sur des intonations de voix, il est écouté avec rigueur. "Ces gens-là ont toujours "la banane", ils s'amusent. Et ils ont une capacité de concentration que je n'ai jamais vue ailleurs." À 17 h 30, ils s'effaceront, laissant la scène aux techniciens qui installent le décor de l'autre pièce qui sera jouée en soirée. La Comédie-Française continue son mouvement perpétuel, Éric VIGNER a déjà la nostalgie de devoir bientôt rester à l'écart: "Je me sens très bien dans cette maison. Elle va me manquer."