L'Intransigeant · 8 janvier 1929 · BRANCUSI CONTRE ÉTATS-UNIS

L'Intransigeant · 8 janvier 1929 · BRANCUSI CONTRE ÉTATS-UNIS
Article de presse de l'époque
Dramaturgie
1929
L'Intransigeant
Langue: Français
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L'Intransigeant

Journal du 8 Janvier 1929

Le sculpteur BRANCUSI n'est pas un contrebandier. Nous avions annoncé, l'an dernier, que les oeuvres de BRANCUSI, dont une exposition devait avoir lieu à New-York, avaient été arrêtées par la douane américaine, sous le prétexte qu'elles ne représentaient pas des oeuvres d'art, mais qu'elles ne consistaient qu'en blocs de métaux introduits frauduleusement. BRANCUSI n'était pas un sculpteur, mais un simple Bootlegger en métal. La presse américaine s'empara de l'incident. Un grand journal reproduisit "l'Oiseau" de BRANCUSI à coté d'un pigeon et intitula l'article « Si vous rencontriez l'un de ces oiseaux à la chasse, sur lequel tireriez-vous? »

Un procès fut intenté par BRANCUSI contre la douane américaine. L'affaire est venue devant la cour d'appel des douanes de New- York le mois dernier. Le grand sculpteur à gagné. Les plus grands critiques d'art d'Amérique furent cités devant le juge et apportèrent leur témoignage en faveur de BRANCUSI. La cour a donc rendu son jugement, détaxant les sculptures de BRANCUSI: elle modifie le loi de 1916 par laquelle un objet d'art étaient censé imiter un être naturel et devait ne pas être un objet utile: elle constate dans ses attendus que depuis 1916, sous l'influence de l'art moderne, les opinions ont changé et qu'on en doit tenir compte. En parlant de ces "idées nouvelles", la cour dit « Nous estimons que le fait de leur existence et de leur influence sur le monde de l'art reconnu par les tribunaux doit être pris en considération. L'objet actuellement examiné est de lignes harmonieuses et symétrique, et bien qu'on puisse trouver quelque difficulté à l'assimiler à un oiseau, il n'est pas moins agréable à voir et hautement ornemental. » Pour la première fois, l'art moderne contribue à modifier la législation ancienne et se voit reconnu juridiquement.