Dossier d'intention · Film · M/M · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA

Dossier d'intention · Film · M/M · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA
Film des M/M production Première Heure
Note d’intention & entretien
M/M (Paris)
2006
Première heure
Langue: Français
Tous droits réservés

LE FILM DES M/M PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA  basé sur une adaptation et mise en scène d'ÉRIC VIGNER d'après LA PLUIE D'ÉTÉ et HIROSHIMA MON AMOUR de MARGUERITE DURAS

À partir de la pièce PLUIE D’ÉTÉ À HIROSHIMA (mise en scène ÉRIC VIGNER), les M/M, qui en ont élaboré les décors et les costumes, vont faire un film. Il s'agit de se servir du théâtre comme point de départ à une création filmique. Ce travail sera fondé sur l'empilement, le montage de trois temps différents. D'espace en espace, la caméra se rapproche, on passera du plan large à Avignon au plan moyen au théâtre des Amandiers puis au plan serré en extérieur.
Ainsi, les prises de vue seront faites en trois étapes : Durant le Festival d'Avignon au Cloitre des Carmes, les caméras sont placées aux quatre angles comme des caméras de surveillance, sans aucun effet, uniquement des plans larges. Comme si l'on filmait un terrain de jeu, du sport. Deux de ces caméras seront placées en hauteur pour des plans larges en plongée. La plongée permet de décrire l'espace et va au-delà de la vision du spectateur physique de la pièce. Donc, première étape pour la construction du film : le plan large, où l'important est de montrer l'espace, la scénographie. Deuxième étape au Théâtre des Amandiers (décembre 2006), la prise de vue est plus cinématographique avec des travellings. La caméra se rapproche, l'espace se réhumanise et les relations entre les personnages prennent le pas sur la scénographie. On se focalise sur des scènes choisies préalablement. Troisième étape enfin lors de prises de vue hors du plateau. Les acteurs filmés en gros plan, « disant » la pièce. L'espace de la langue devient à ce moment espace du texte, une manière de faire un gros plan sur la langue de DURAS.

Le son suit la même logique d'empilement, de strate. Les timbres des voix dans les trois espaces sonnent différemment même s'il s'agit du même texte. Ainsi à chaque valeur de plan (large, moyen et serré) est associé un timbre. La voix est à la langue ce que l'instrument est à la partition et dans le film la même partition se chante mais avec des timbres différents, une sorte de concert de voix.
Ainsi dans la première étape, à Avignon, le son est pris en plein air. Selon le parti pris des M/M, le son, la résonnance du lieu est essentielle. Il s'agit de rendre perceptible l'ambiance de l'espace scénique sans négliger les sons environnants comme les oiseaux, les flashs des photographes ou les murmures du public.
La voix est ici véritablement considérée comme un instrument, ce qui convient bien à la grande musicalité du texte durassien. En effet la musique joue un rôle important dans la création de DURAS. On pense à Modérato cantabile ou à la valse désespéré de l'Amant de la Chine du Nord. On sait aussi l'importance et le travail sur la bande-son dans ses films, jusqu'à reprendre la bande son d'India song sur d'autres images dans Son nom de Venise dans Calcutta désert. Cette musicalité de l'oeuvre est d'ailleurs particulièrement évidente dans PLUIE D’ÉTÉ ou les chansons constituent la trame du livre : chanson d'Ernesto et Jeanne « à la claire fontaine », chanson de l'instituteur « allo maman bobo », jusqu'à la chanson finale de la mère qui accompagne le déluge qui clos la pièce. Même, les noms de rue évoquent la musique : rue Berlioz, rue Schubert ou rue Mozart. Pour le film, le son pris à Avignon sera comme un rythme, une basse et une base pour la bande son finale. Ces empilements de son permettent de faire ressortir la langue de DURAS, à la fin ne reste que le texte, texte-musique, texte-chanson.

Dans cette aventure, on part du théâtre pour faire un quelque chose d'autre, un film. C'est particulièrement fidèle au travail durassien qui place la réécriture, la régénérescence au centre du processus de création. ÉRIC VIGNER et les M/M plongent dans le coeur durassien et réussissent à extraire l'essence même de sa création, son principe générateur. Et c'est justement grâce à cette fidélité extrême qu'ils peuvent créer du nouveau, faire une oeuvre autre à partir de DURAS. Ce n'est pas par hasard si DURAS, après avoir vu PLUIE D’ÉTÉ mise en scène par ÉRIC VIGNER, lui avait confié le texte d'Hiroshima mon amour. Faire du DURAS ce n'est pas retranscrire DURAS et grâce à leur compréhension en profondeur du texte les M/M allient à une grande fidélité à l'oeuvre, une création originale. D'ailleurs la durée du film ne sera pas celle de la pièce mais aura sa temporalité propre.