L'Union · 29 avril 2012 · GUANTANAMO

L'Union · 29 avril 2012 · GUANTANAMO
On y retrouve la beauté visuelle propre aux mises en scène d'ÉRIC VIGNER
Presse régionale
Avant-papier
29 Avr 2012
L'Union
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L'Union Champagne Ardenne Picardie

29 avril 2012

Guantanamo, un spectacle, qui sera donné du 9 au 12 mai à Reims, tire son nom d'un centre de détention installé par les États-Unis à Cuba au lendemain du 11 Septembre et devenu, depuis, tristement célèbre. Le 23 janvier 2006, quatre ans après l'ouverture de ce camp pour terroristes présumés, le Pentagone est contraint, au nom de la liberté d'information, de rendre publics les comptes rendus d'interrogatoires de plusieurs centaines de prisonniers.

Frank Smith a examiné cette documentation tenue secrète et devenue accessible au monde entier du jour au lendemain. Se plongeant dans ces milliers de pages, il en a fait en 2010 un livre à mi-chemin entre documentaire et poésie, unique, dérangeante et belle, nourri d'une succession de "récitatifs" : une litanie de témoignages et de noms égrenés dans une langue neutre, sans apparente volonté de juger.

L'innommable suggéré

Transférée dans le domaine de la fiction, cette écriture propre aux procès-verbaux évoque par moments le style de Marguerite Duras ou de Charles Reznikoff. Elle permet de libérer toute la charge évocatrice, politique et poétique de ces récits hors du commun, si difficiles à saisir et rend plus éloquentes les destinées de ces bergers ou jardiniers venus du Yémen ou d'Ouzbékistan et pris dans le tourbillon d'un système qui les dépasse et finalement les broie. Le spectacle qui en est issu fait partie d'une trilogie orchestrée par le metteur en scène Éric Vigner, directeur du CDDB, Théâtre de Lorient, centre dramatique national.

Baptisée "L'académie", visant à former à la fois un laboratoire de théâtre et un espace de transmission, elle regroupe sept jeunes acteurs français et étrangers originaires de Corée ou d'Allemagne, de Roumanie ou du Mali. Après La place royale, une comédie de Corneille (1634) et en attendant La faculté de Christophe Honoré, ce spectacle évolue entre théâtre, composition sonore et installation plastique. On y retrouve la beauté visuelle propre aux mises en scène d'éric Vigner, plasticien de formation. Le soin qu'il apporte au texte et au jeu met à nu une implacable logique rhétorique dans laquelle l'absurde est une composante de l'horreur et où l'absence de commentaire suggère l'innommable.