Ouest France · 25 avril 1998 · LA DOULEUR

Ouest France · 25 avril 1998 · LA DOULEUR
Les deux lectrices ont su respecter une retenue subtile.
Presse régionale
Critique
25 Avr 1998
Ouest France
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Ouest France

25 avril 1998

Une lecture sensible de Vigner et Brochet au théâtre

La douleur de la passion selon Duras

Lire du Duras, sur scène, devant 300 auditeurs, n'est pas chose aisée. D'autant moins quand il s'agit d'un texte aussi intime que celui de La douleur.

L'actrice Anne Brochet et Bénédicte Vigner s'en sont fort bien sorties, jeudi soir, apportant au récit torturé une sensibilité tout en nuance.

Le cinéma a offert la notoriété à l'actrice Anne Brochet. Si le théâtre de Lorient a fait le plein, jeudi soir, il lui doit certainement beaucoup. N'empêche que la seconde lectrice, Bénédicte Vigner, n'a pas eu à souffrir de la comparaison, les deux jeunes femmes restituant le texte de Duras avec la même profondeur de ton et une réelle complicité.

"Il n'est pas mort au camp de concentration." Le constat sec conclut La douleur. Robert L. est revenu de l'enfer. Marguerite Duras, sa compagne, l'accueille, l'aide à surmonter ses terribles séquelles. Avant de lui annoncer leur inéluctable séparation. Un "happy end" aurait surpris tant la narratrice révèle, de longues pages durant, son angoisse à l'idée du retour éventuel de son compagnon, s'étant éprise à Paris d'un certain D. qui l'aide à surmonter la terrible attente. Elle imagine le cadavre squelettique de son mari, gisant dans un fossé en Allemagne tout en se persuadant qu'il doit revenir. "De toutes les femmes qui attendent, comme moi, je n'en connais pas de plus lâche."

Le sentiment de culpabilité, comme celui de la passion et tous les autres qui s'entrechoquent tout au long de l'ouvrage, est évoqué sans excès, ni violence, mais avec une infinie délicatesse. Une retenue subtile que les deux lectrices ont su respecter, jeudi soir...