Ouest France · 20 mars 1998 · TOI COUR, MOI JARDIN

Ouest France · 20 mars 1998 · TOI COUR, MOI JARDIN
Une mise en scène en grande partie illusoire...
Presse régionale
Critique
François Lucas
20 Mar 1998
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

20 mars 1998 · FRANÇOIS LUCAS

Paroles et musique et mise en scène

Éric Vigner présentait, mercredi, au petit théâtre du Quartz, une mise en scène de cinq pièces musicales de Jacques Rebotier, interprétées par l'ensemble Sillage dirigé par Philippe Arrii-Blachette. Qui gagnera la mise ?

Est-ce qu'on se pose la question de savoir si Jacques Rebotier est un apprivoiseur de langage ou un terroriseur de public ou, au contraire, Non, enchanté, on ne peut pas douter : son intelligence, foisonnante et forcenée, courant sans cesse entre la parole et la musique, fait oeuvre vitale. Sa mise en évidence, en l'air, de ce que les mots ont d'exclusivement intime pour chacun et d'unanimement partagé par tous, et de ce que la musique a de nécessaire en ce moment, ici, comme ça, personne ne peut sans danger l'ignorer. Chacun réclamera tôt ou tard son statut d'auditeur-associé.

Il mélange tout, le discours musical et le discours tout court (sur la pensée et les paroles de la musique, et sur la musique des paroles, sur les corps de la musique et sur les paroles du corps). Mais toujours en quêtant le sens, même dans la profondeur du non sens, pour retrouver le plaisir au-delà de la réflexion. Refusez d'abord tout semblant d'ignorance, ou d'innocence, semble-t-il dire, et puis, écoutez, il n'y a rien à comprendre, il y a tout à entendre !

Mais encore, la pensée Rebotier est-elle réductible à une autre organisation que la sienne propre ? C'est sans doute ce qu'a cru Éric Vigner en "mettant en scène" quelques anciennes pièces de Jacques Rebotier, pour ce spectacle toi cour, moi jardin... Une mise en scène en grande partie illusoire, dans la mesure où sans s'offrir aucune cohérence nouvelle, elle insinuait la frustration de ne voir aboutir nulle part les éléments extérieurs aux pièces originales. Alors que ces projections, décors ou autres liaisons acousmatiques étaient, à tout le moins, inutiles à l'expression de la musique présente.

On préférera se souvenir de l'exécution précise et tranchante, enthousiaste comme toujours, des musiciens de l'ensemble Sillage, et de l'exposé d'encore quelques belles problématiques emphrasées. Ce qu'il y a de sûr du moins, c'est que (c'est du grec) rien n'est moins sûr que l'incertitude.