Ouest France · 6 mars 1996 · LA PLUIE D'ÉTÉ

Ouest France · 6 mars 1996 · LA PLUIE D'ÉTÉ
Jacques Blanc, directeur du Quartz, se souvient de la venue de Duras à Brest.
Presse régionale
Avant-papier
Jacques Blanc
06 Mar 1996
Ouest France
Langue: Français
Tous droits réservés

Ouest France 

6 mars 1996 · Jacques Blanc

Le Stella de MARGUERITE DURAS

MARGUERITE DURAS s'est éteinte à son domicile parisien, dimanche. À Brest, ÉRIC VIGNER, aujourd'hui directeur du centre dramatique de Bretagne à Lorient, créait au Stella, en octobre 1993, une adaptation pour le théâtre de son roman : LA PLUIE D'ÉTÉ. Jacques Blanc, directeur du Quartz, se souvient...

" C'est à Lambézellec, au Stella, à l'initiative du Quartz, que fut créée La pluie d'éte de MARGUERITE DURAS, mis en scène par ÉRIC VIGNER avec les tout jeunes comédiens du conservatoire national d'art dramatique."

" Je me souviens de MargueRIte Duras arrivant le soir au Stella à tout petits pas, suspendue au bras de Jean-François Josselin, écrivain et journaliste d'une famille brestoise. Je me souviens fallait la soutenir pour marcher, son corps était devenu si faible et si léger et pourtant son esprit restait tellement vif, tellement aux aguets, foudroyant parfois ceux qui avaient le malheur de lui déplaire. Elle voyait tout, percevait tout. "

"Je me souviens qu'elle avait aimé ce cinéma de quartier."

" Lors des représentations à Lambézellec comme au Conservatoire de Paris, je me souviens que je guettais ses réactions et ses sentiments sur son visage. Elle adorait écouter son texte comme un enfant, comme s'il était d'un autre écrivain. Elle jubilait, cherchait l'approbation de son voisin, " c'est le plus beau texte de l'époque » et le comble, c'est qu'il n'y avait aucune vanité dans son ravissement."

" Je me souviens de son affection profonde pour Éric et de l'attachement réciproque qu'ils eurent l'un pour l'autre."

" Je me souviens du regard intimidé et affectueux de Pierre Maille pour la vieille dame, et de Michel Cournot, le critique du " Monde » venu à Lambézellec qui n'osait pas s'approcher d'elle."

" Je me souviens qu'elle devait repartir le lendemain mais qu'elle avait préféré s'installer au Conquet pour plusieurs jours."

" Je me souviens qu'elle ne voulait jamais se coucher et qu'elle veillait tard la nuit, entourée de ses amis."

" Je me souviens que sa mémoire la trahissait et lorsque je m'avançais vers elle, elle me demandait immanquablement quel rôle je jouais dans la pièce et je lui répondais toujours par la même phrase : " Je ne joue pas, Marguerite, je suis le directeur du théâtre."

" Je sais que le Stella restera pour moi un théâtre mythique par sa grâce, le Stella de MARGUERITE DURAS."