L'Hérault du Jour · 20 mars 2004 · ANTIGONA

L'Hérault du Jour · 20 mars 2004 · ANTIGONA
Entretien avec Maria Bayo
Presse régionale
Avant-papier
Alain Breton
20 Mar 2004
L'Herault du jour
Langue: Français
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L'Hérault du Jour

20 mars 2004 · Alain Breton

ANTIGONA de TRAETTA en recréation à Montpellier

Cet opéra considéré comme le chef d'oeuvre de Traetta, après quelques soirées italiennes dans les années soixante, revient à l'affiche, dans une production intemporelle sous la direction de Christophe Rousset, avec un plateau remarquable.

Si les montpelliérains connaissent le quartier qui porte le nom de cette héroïne tragique, l'histoire de cette femme rebelle mérite d'être racontée. Fille d'Oedipe, c'est elle qui le guidera quand il se sera crevé les yeux, sœur de Polynice, elle est condamnée à mort par le roi Créon pour avoir enterré le cadavre de son frère malgré l'interdiction du roi. Si Sophocle la fait emmurer et mourir, Traetta grâce à la clémence de Créon la fait survivre adaptant cette conclusion aux idées de l'époque et satisfaisant à la célébration de Catherine II de Russie qui vit la création de l'opéra la saison de l'Opéra dans son théâtre de Saint-Pétersbourg. Osant s'opposer aux lois dans un monde soumis et se révolter contre l'arbitraire, elle est une des héroïnes tragiques les plus émouvantes de cette saga des Atrides. Son histoire rapportée par Sophocle inspirera peu les compositeurs.
Parmi ceux qui l'ont été, on peut citer Traetta, compositeur italien de la fin du 18ème siècle, avec à notre époque Honegger. L'Opéra de Montpellier nous a déjà proposé son Ippolito ed ARicia il y a quelques années avec Patrizia Ciofi, cette année, sous la direction de Christophe Rousset c'est Antigona qui est remonté.

Il est de ces chefs d'œuvres que tout le monde cite, remonte régulièrement, et qui malgré tout n'arrivent pas à s'inscrire dans la continuité internationale. Antigona est de ceux ci. Dans les années soixante, le festival de Spolète le met à l'affiche puis c'est fini. Christophe Rousset lit les critiques dithyrambiques des auditeurs de l'époque, des analyses musicologiques enthousiastes, et décide de s'intéresser à cette partition. Un disque est réalisé, obtenant un grand succès, et avec son ensemble en résidence à Montpellier monte ce chef (l'oeuvre dans la saison de l'Opéra National)

Pas de côté anecdotique dans cette production, Eric Vigner qui a déjà monté La Didone réalise le spectacle. Cette tragédie de révolte et d'amour se déroule dans un lieu indistinct, hors du temps, se concentrant sur les sentiments des protagonistes dans un décor noir et blanc très pictural. Pour rendre justice à une oeuvre méconnue il est souvent nécessaire d'avoir un plateau de qualité, on est dans ce cas ici, Le rôle d'Antigone est tenu par Maria Bayo, celui de Créon par Kobie van Rensburg, Maria Comparato, Laure PolvErelli et John Mc Veigh complètent la distribution. Fragile dans son corps mais forte dans ses sentiments, Maria Bayo incarne cette héroïne avec force et détermination. Elle sait se révolter et assurer sa révolte face à un roi violent mais surtout qui ne remet jamais en question les conventions.

Cet opéra dans la veine tragique du 18ème siècle s'inscrit dans l'école de Gluck plus que dans celle de Rameau qui avait guidé la réalisation d'IpolitO ed Aricia. Ouvrage virtuose, sensible, triste c'est un panorama des sentiments humains face à l'injustice et à l'arbitraire. Si la fin est heureuse, ce n'est pas dans une explosion de joie mais dans un retrait du monde pour Antigona qui se dirige vers un ailleurs.
Il est à noter que cette production représentera la ville de Montpellier dans le cadre du Festival des régions en juin à Paris au Châtelet.

Maria Bayo est Antigona dans la mise en scène de Vigner

- C'est votre cinquième apparition à Montpellier. Au cours des saisons précédentes on a pu vous applaudir dans l'opéra baroque avec La Calisto, le classique avec Suzanne des Noces ou vériste avec Mimi de la Bohème. Quels sont vos goûts dans le choix des ouvrages que vous incarnez ?

- Maria Bayo : J'aime toute la musique et je n'ai pas d'a priori quant aux choix. Seule compte la qualité de la musique. Bien sûr je ne vais pas alterner certains ouvrages qui sont trop différents sur le plan vocal, ou émotionnels. Mon goût me ramène cependant toujours à Mozart, qui oblige qualité dans l'émission et technique exigeante. Après cette production je dois aller chanter Illia de l'Idoménée de Mozart à Nice. J'aime également beaucoup l'opéra français et ma voix qui s'élargit vers le soprano lyrique me permet d'aborder maintenant le rôle de Margueritte de Faust. que je viens de chanter à l'Opéra Bastille.

- L'opéra que vous chantez à Montpellier est une tragédie digne et violente ; comment avez vous ressenti le personnage ?

- En effet Antigona s'oppose et est une révoltée contre l'arbitraire. La mise en scène d'Éric Vigner n'a pas voulu faire de la tragédie tragique, mais montrer les sentiments d'injustice et de force du personnage. Sentiments humains profonds et toujours actuels. Cette mise en scène montre l'universalité du personnage. J'ai beaucoup apprécié le travail sur cet ouvrage, travail qui a consisté à gommer toute exagération visuelle des personnages. J'aime la fin qui la montre ne restant pas avec son fiancé mais presque morte. Tout doit venir de soi du plus profond des sentiments c'est une des grandes joies d'avoir travaillé avec ce metteur en scène.

- Que cherchez vous à transmettre dans les personnages que vous intetprétez ?

- Avant tout la musique et surtout l'émotion, que ce soit Mimi ou Antigone les notes ne sont qu'un moyen de la faire passer, pas un but, même si dans Antigona la technique est indispensable et le rôle très difficile dans la vocalita.

- Quelles sont les héroïnes que vous souhaitez aborder dans l'avenir ?

- Ma voix s'élargit, c'est normal, je souhaite aborder les rôles de l'opéra français que j'aime beaucoup. Je viens de faire Margueritte de Faust, et dans l'avenir pourquoi pas Mireille qui correspond maintenant à ma tessiture. Mais je ne veux pas abandonner Mozart qui est la référence pour le chant. Peut être quelques Verdi plus tard mais je ne me sens pas encore prête pour ces rôles. Bien sûr au conservatoire j'ai chanté Traviata ou Gilda niais je ne veux pas les aborder sur scène actuellement. J'aime aussi beaucoup bien sûr la musique espagnole et la zarzuela même si je n'ai chanté que Doua Francesquita sur scène, j'aimerai aborder d'autres rôles dans ces partitions optimistes et tellement chantantes. J'aime alterner les styles Rossini, Puccini, le baroque et .... Mozart.