Ouest France · 20 octobre 2006 · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA

Ouest France · 20 octobre 2006 · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA
Éric Vigner esquisse et crayonne sur scène ses notes de lectures prenant la forme d'une partition qui laisse passer l'inattendu.
Presse régionale
Critique
Yannick Butel
20 Oct 2006
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

20 octobre 2006 · YANNICK BUTEL

Pluie d'éte, un Maître et Marguerite

Peut-être insaisissable et pour le moins parfois étrange, Pluie d'été à Hiroshima d'Éric Vigner, au théâtre d'Hérouville, tient de la mise en voix de tracés qui courent dans l'ouvre de Marguerite Duras.

Du roman et de la pièce, sur une scène comme à l'intérieur d'un univers de science fiction, Éric VigneR ordonne un groupe d'acteurs qui lit et parle Duras.

Précisément, il donne à entendre le rapport que l'auteur de La Douleur entretient avec la famille, l'enfance, la loi, la rencontre, l'aveu. li saisit ici et là, dans l'écriture, la genèse de vies intimes qui sont le reflet, via le vêtement des comédiens, de contes ordinaires, Il privilégie dans Pluie d'été et Hiroshima mon amour la figure de la singularité. Vigner bourlingue ainsi autour de la marginalité, de l'étrangeté, de la solitude qui seraient les mots d'une langue durassienne privée volontairement de syntaxe.

Voix off empruntant à la Nouvelle Vague, jeu stylisé évitant l'écueil du mimétique, recourant à une image fragmentée laissée à la discrétion du regard du spectateur placé de part et d'autre d'un dispositif bi-frontal, le travail se joue au milieu. Mot qui désigne sans doute chez Duras et Vigner un entre-deux où, au jugement, est préféré la suspension, le principe d'incertitude expression de la complexité.

Un peu moins de trois heures plus tard, comme un écho à la pensée d'Ernesto, l'enfant de Pluie d'Éte ("Je ne veux plus aller à l'école parce qu'à l'école on m'apprend des choses que je sais pas"), la tondue d'Hiroshima ponctuera par "on croit savoir, et puis non jamais". Deux phrases entendues où l'acteur, tel un funambule, aura parlé sur un fil, d'un bout à l'autre de deux histoires qui donnent corps à une vie, Éric Vigner esquisse et crayonne sur scène ses notes de lectures prenant la forme d'une partition qui laisse passer l'inattendu.