Ouest France · 16 mai 2006 · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA

Ouest France · 16 mai 2006 · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA
Conversation à bâtons rompus avec les acteurs et le metteur en scène.
Presse régionale
Avant-papier
Jérôme Gazeau
16 Mai 2006
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

16 mai 2006 · JÉRÔME GAZEAU

Les tribulations d'un acteur japonais en France

Pluie d'été à HiroshimA est jouée au Grand Théâtre jusqu'à vendredi. Conversation à bâtons rompus avec les acteurs et le metteur en scène.

Ouest-France : Atsuro Watabé, comment s'est faite la rencontre avec Éric Vigner?

Atsuro Watabé (toutes les réponses ont été traduites par un interprète): Il y a deux ans, j'ai rencontré le metteur en scène à Tokyo, qui cherchait un acteur japonais pour une pièce de théâtre. Je suis acteur de cinéma au Japon, le théâtre m'était inconnu. J'ai hésité et j'ai dit oui.

Éric Vigner : À l'époque, j'avais le projet de monter Hiroshima mon amour à Tokyo, au dernier étage de la tour Louis-Vuitton, un très bel espace réservé aux actes artistiques, et qui domine la ville. Ça n'a malheureusement pas pu se faire. Deux ans plus tard, j'ai rappelé Atsuro pour lui proposer de venir en France, il a accepté.

Atsuro Watabé : Pourquoi j'ai dit oui ? Je ne sais pas. J'adore la France. Et puis, quand je choisis un projet, c'est au feeling. C'est sans calcul, plutôt très sentimental. J'avais un tournage pour un film prévu à Kyoto, que j'ai annulé.

Ouest-France : Vous aviez à franchir une barrière très forte, celle de la langue.

Éric Vigner : Atsuro est une personne qui travaille beaucoup, il a une réelle quête de perfection et est capable d'une concentration incroyable. Il a commencé à apprendre son texte au Japon et a continué à l'assimiler phonétiquement à Paris, avec un coach, pour avoir une diction impeccable. Le rôle qu'il a dans Hiroshima va aussi au-delà des mots, c'est de l'émotion corporelle. C'est d'autant plus vrai que l'écriture de Marguerite Duras est souvent si ténue qu'elle a besoin des acteurs pour rendre toute sa force.

Ouest-France : Vous paraissiez très ému au moment des saluts, à la première publique du spectacle, mardi dernier. À quoi songiez- vous?

Atsuro Watabé : Je suis un être humain. Tout est remonté d'un coup, la confiance établie avec Jutta, les bonheurs de la répétition...

Ouest-France : Ça fonctionne comment, deux acteurs qui ne parlent pas la même langue?

Jutta Johanna Weiss : II faut une grande confiance intuitive. C'est une communication souterraine. Nous ne pouvons pas bavarder, mais beaucoup de choses finissent par passer par le non-dit. Cela m'a rappelé mes premiers pas en France, en tant qu'Autrichienne. C'est une aventure très touchante.

Ouest-France : Hélène Babu, vous avez déjà interprété La pluie d'été sous la direction d'Éric Vigner, c'était en 1993. Comment se vivent ces retrouvailles?

Hélène Babu : La première Pluie d'été a compté dans ma carrière. Je débutais, j'avais appris la comédie au travers d'ateliers. Soudain, avec Éric Vigner, ce fut comme une révolution. J'ai découvert un nouveau rapport au texte, une méthode de travail insoupçonnée, avec la façon très particulière qu'a Éric de respecter l'auteur tout en s'appropriant très fortement le texte.

Ouest-France : Retrouvez-vous le rôle que vous aviez il y a treize ans?

Hélène Babu : Oui, je suis toujours la mère. Et non, pas du tout, parce qu'entre-temps, Éric a évolué dans sa compréhension de Duras.

Éric Vigner : Je ne pouvais pas, je ne voulais par refaire le même travail qu'à Brest. Il fallait absolument que ce texte résonne au présent.

Hélène Babu : C'est d'autant plus dur pour l'actrice. J'avais conservé une mémoire physique du rôle, qu'il m'a fallu dépasser, abandonner pour arriver à quelque chose de nouveau. Vraiment dur. Mais passionnant.