Ouest France · 19 avril 2003 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)

Ouest France · 19 avril 2003 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)
Deux comédiennes en pleine lumière, Morlaix
Presse régionale
Critique
19 Avr 2003
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

19 avril 2003

Savannah Bay dans la mémoire du théâtre de Morlaix

Deux comédiennes en pleine lumière

Savannah Bay s'inscrit dans la mémoire du théâtre. Les deux comédiennes de la Comédie-Française ont offert au public morlaisien une aventure magnifique et rare.

Toutes les personnes qui ont approché l'oeuvre de MARGUERITE DURAS, dans ses romans, ont ressenti la force de son écriture. Savannah Bay, pour qui connaît l'imagination scénique et le souffle poétique du metteur en scène ÉRIC VIGNER est la promesse d'un voyage d'exception dans les méandres de la mémoire. À Morlaix, l'enthousiasme du public a largement prévalu.

Pas de discours dithyrambique pour décrire cet instant qui fût tout simplement beau. Lamour, la mort, la mémoire et l'oubli sont perceptibles. Dans la partition, le temps et les silences prennent ici une grande force. Ils ne supportent pas même un souffle, et surtout pas un froissement de programme dans le public. La mer, la pierre, le temps constituent le fil de cette histoire, cette histoire que réclame la " jeune femme", CATHERINE Hiegel à "Madeleine", CATHERINE Samie. L'une marche sur la scène, occupe l'espace, remonte le temps mais s'inscrit dans le présent, sa voix est quelquefois hors champ. L'autre est assise et raconte l'histoire de la pierre blanche. Elles sont grandes.
CATHERINE Hiegel répète ce que CATHERINE Samie lui dit. Les deux femmes se rejoignent dans la lumière de Savannah Bay et les deux voix ne font plus qu'une. C'est alors que la mémoire devient commune. Le mythe de Savannah Bay nous traverse comme nous traverse cette lumière asiatique propre au monde de MARGUERITE DURAS.

"II faut bien nos deux vies pour aborder DURAS"

À la table du café Le Cap Rubis, CATHERINE Hiegel et CATHERINE Samie savourent le temps après un dernier filage. Tout à l'heure, elles rejoindront MARGUERITE DURAS sur la scène du théâtre de Morlaix.
Ouest-France : À quelques heures de la première représentation, comment vous sentez-vous à Morlaix ?
CATHERINE Hiegel : "Nous sommes au bord de l'eau, on se rapproche de l'univers de DURAS. C'est un titre tout trouvé pour votre papier."
CATHERINE Samie "Elle aimait l'eau et allait souvent à Cabourg." CATHERINE H. : "Et le théâtre de Morlaix a une âme, cela compte pour une pièce qui nous parle d'amour et de théâtre."
Comment aborde-t-on l'écriture de DURAS ?
CATHERINE H.: "Je l'avais lue, il y a longtemps, comme tout le monde. Son écriture est faite de pauses et de non dits. Dans Savannah Bay, il a fallu s'imprégner du texte petit à petit pour respecter le temps et le nourrir de nos silences."
CATHERINE S. : "J'ai eu la chance de rencontrer MARGUERITE DURAS à plusieurs reprises alors qu'elle fréquentait Saint-Germain-des-Prés... Une petite femme toujours très chic, elle parlait lentement."
Et la mise en scène d'Éric Vigner ?
CATHERINE H. "Le rideau de perles nous a surprises. On avance avec lui, on vit avec lui, on le traverse pour rejoindre le public."
CATHERINE S. "Les perles sont une façon de traduire elle en moi, moi en elle."
Comment fonctionne le duo ?
CATHERINE S. "Elle m'aide beaucoup, je suis le personnage qui ne sait plus où il va. Elle me remet sur les rails. Il s'agit d'une écriture en direct, mais peut-être que tout cela n'a jamais existé. Dans la vie, nous connaissons depuis longtemps" CATHERINE H. "Je l'ai vue avec un gros ventre."
CATHERINE S. "Je l'ai vue avec un gros ventre.
Vous allez loin comme ça ?
CATHERINE H. "Je dirais plutôt que nous marchons au bord d'une falaise, au bord du souvenir et qu'il ne faut pas tomber. Il y a deux personnes qui ne font qu'une. C'est sûrement DURAS. Il faut bien nos deux vies pour l'aborder."