Le Nouvel Observateur · 6 juillet 2006 · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA

Le Nouvel Observateur · 6 juillet 2006 · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA
Marguerite Duras par Éric vigner
Presse nationale
Avant-papier
Odile Quirot
06 Juil 2006
Le Nouvel Observateur
Langue: Français
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Le Nouvel Observateur

6 juillet 2006 · ODILE QUIROT

MARGUERITE DURAS par éric vigner

"J'ai éprouvé pour la femme et l'écrivain de la Pluie d'été le même sentiment, celui de les connaître depuis toujours. En 1993, j'avais 22 ans et un premier spectacle derrière moi. Je n'avais lu que l'Amant, et comme tout le monde j'avais d'elle l'image d'une intellectuelle de gauche engagée, quand je me mets à chercher un texte pour les élèves du Conservatoire national. Ma soeur, grande fan de Duras, me donne la Pluie d'été. Je l'ouvre, je ne quitte plus l'enfant Ernesto qui ne veut plus retourner à l'école "parce que à l'école on m'apprend des choses que je sais pas", et découvre un livre brûlé qu'il lit sans avoir appris à lire.

J'ai rencontré Duras l'été suivant, chez elle, à Trouville. Elle m'a regardé, tout intimidé dans l'embrasure de sa porte, et a dit : "Lui, je le reconnais." Au bout de cinq minutes, on se tutoyait. Quand on a créé la Pluie d'été à Brest, elle a fait 750 kilomètres en voiture avec Yann Andréa pour assister à une représentation. De ce jour-là, notre relation est devenue quasi familiale, on se téléphonait, on se retrouvait pour dîner, elle adorait plaisanter, elle s'acharnait à intensifier chaque instant. Elle me rappelait ma grand- mère, que j'adorais. À la reprise de la Pluie d'été à Aubervilliers, elle était dans la salle presque tous les soirs. Elle me disait que nous étions parvenus à faire entendre le regret de l'enfance, mais avec joie, clarté. Un jour, elle me propose : " je te donne les droits d'une pièce. Laquelle veux-tu ? — J'aimerais faire du théâtre à partir de ton scénario d'Hiroshima mon amour, parce que ton écriture est pure, et plus violente que le film de Resnais." Elle était d'accord avec moi. C'était il y a quatorze ans. Son écriture, sous la douleur, contient une joie qui me bouleversera toujours."