Le Télégramme · 1 novembre 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ

Le Télégramme · 1 novembre 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ
Marguerite Duras à Brest
Presse régionale
Critique
Jean-Luc Germain
01 Nov 1993
Le Télégramme
Langue: Français
Tous droits réservés

Le Télégramme

1 novembre 1993 · Jean-Luc Germain

Marguerite Duras à Brest : à l'heure... forcément

Le personnage a la réputation d'être tellement mystérieux et fantasque, ses déplacements sont aujourd'hui si rares que l'annonce de la venue à Brest de Marguerite Duras pour voir la mise en scène de son texte. La pluie d'été par ÉRIC VIGNER, en laissait plus d'un perplexe. Erreur. La grande petite dame a tenu parole. .. à ses conditions.

Une minute avant

Venue en voiture de Cancale, où elle a fait un peu de tourisme, Marguerite est arrivée comme une fleur samedi à 20 h 59 au "Stella" dans le quartier de Lambézellec. Juste une minute avant le début de la représentation. "Je ne voulais pas risquer de devenir l'attraction, le centre d'intérêt. Cela aurait nui à la pièce", devait-elle déclarer plus tard.

Même en visite privée, c'est ce qui s'appelle ménager ses effets à la perfection. Aussi discrète que possible, cette présence a dû faire passer aux six excellents jeunes comédiens du Conservatoire de Paris une soirée aussi excitante qu'inconfortable. Chacun sait que l'auteur de L'amant n'a jamais eu la langue dans sa poche. D'abord dans ses petits souliers, ÉRIC VIGNER en création résidence à Brest, a fini sur un petit nuage : "ce qu'elle pense du travail ? Vous savez, elle est là et comme vous pouvez le constater on ne se déteste pas vraiment." À la fin de la soirée Marguerite Duras, tenant affectueusement le metteur en scène par le bras, déclarait d'ailleurs qu'elle avait"adoré la pièce. Je redécouvre un texte que javais oublié depuis si longtemps. Et puis le cadre de cette ancienne salle de cinéma s'y prête merveilleusement."

Un charme magnétique

Pas de doute, qu'on l'aime ou pas, ce petit bout de femme qui cligne des yeux sur un regard toujours incisif, perchée sur ses talons, emmitouflée dans un manteau brique sans chichi, à l'inimitable timbre de voix, dégage un charme magnétique rare. Quand on lui demandé pourquoi elle avait écrit un jour que le théâtre devait être "lu et non joué" elle s'étonne : "C'est moi qui ai écrit cela ? Vous êtes sûr ? Vous savez, j'aime le théâtre, J'ai fait 20 pièces."

Mais au fait, quel âge peut-elle bien avoir ? A l'outrecuidant un fan répond avec humour : "Je ne sais pas, vu son esprit pétillant, j'hésite entre 12 et 80 ans." Brève mais belle rencontre.