Ouest France · 15 novembre 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ

Ouest France · 15 novembre 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ
Un moment inoubliable avec DURAS.
Presse régionale
Critique
J. Pierrès
15 Nov 1993
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

15 novembre 1993 · J. PIERRES.

Un moment inoubliable avec Duras

La pluie d'été présentée au théâtre de Quimper

Le théâtre de Quimper accueillait, vendredi et samedi, l'un des événements de la saison théâtrale nationale La pluie d'été, de Marguerite Duras.
Un texte superbe. Des comédiens qui donnent le meilleur et le plus intime d'eux-mêmes. Une mise en scène qui respecte l'ambiguïté d'une oeuvre qui chemine entre récit et théâtre. Un public nombreux (environ 300 personnes chaque soir) et qui ne cache pas son enthousiasme. Au théâtre de Quimper, ce week-end, il y avait tout pour faire des soirées inoubliables.

La pièce? La pluie d'été d'après un livre de Marguerite Duras raconte une tranche de la vie d'une famille d'immigrés résidant à Vichy, une ville de banlieue proche de Paris. Une famille où le mot aimer veut dire comprendre, accepter et aussi admirer. Il y a le père qui vient d'Italie. Il porte toujours une chemise verte, une cravate rouge et il chante en faux russe » pour faire plaisir à sa femme. Il y a la mère, née dans un pays de l'Est, qui épluche les patates pour nourrir la famille. Son fils Ernesto, elle le rebaptise souvent Vladimir. Il y a Jeanne, la petite soeur choyée, aimée. Et il y a Ernesto, le fils aîné, le pivot de la pièce.

Ernesto qui ne sait pas lire et qui dit : " Je ne retournerai plus Jamais à l'école parce que, à l'école, on m'apprend des choses que Je ne sais pas. " Ernesto, tout à la fois, la pierre précieuse de ses parents et le grain de sable dans les rouages trop bien huilés de l'institution.

La pluie d'été est une pièce à la fois réconfortante et irritante. Réconfortante quant aux rapports enfants-parents. Éric Vigner, le metteur en scène, a su restituer avec beaucoup de pudeur des moments très forts d'amour et de tendresse au sein d'une famille. Irritante parce qu'elle nous met face à des questions sans réponses. " Donc, si Je vous suis bien, d'aller à l'école, ce n'est pas la peine ? " demande l'instituteur à Ernesto qui répond : " On apprend quand on veut apprendre, monsieur, et quand on ne veut pas apprendre, ce n'est pas la peine d'apprendre. " Ou encore : " Comment savez-vous, monsieur Ernesto, l'inexistence de Dieu ? " « En ne pouvant pas faire autrement sans doute monsieur l'instituteur ", réplique l'enfant. Le plus beau moment de la soirée pour les comédiens ? Celui où ils ont entendu des spectateurs dire qu'ils venaient voir la pièce pour la deuxième fois.