Ouest France · 15 janvier 1999 · MARION DE LORME

Ouest France · 15 janvier 1999 · MARION DE LORME
Marion fait des vagues à Paris
Presse régionale
Critique
Benoit Le Breton
15 Jan 1999
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

15 janvier 1999 · BENOÏT LE BRETON

Marion fait des vagues à Paris

Démolie ou encensée, la pièce de VIGNER ne laisse pas indifférent

MARION DE LORME, la pièce d'HUGO créée en octobre par ÉRIC VIGNER au théâtre de Lorient, est actuellement installée au Théâtre de la Ville à Paris. L'accueil, que lui réserve la presse nationale, est pour le moins contrasté. Entre les lauriers qu'on lui tresse et les costards qu'on lui taille, Marion est, sans problème, habillée jusqu'au printemps.

Dans MARION DE LORME, Didier, l'amoureux candide, et son ami Saverny finissent la tête sur le billot. "Avec ÉRIC VIGNER, on ne peut plus parler de décapitation, écrit Bernard Thomas dans "Le canard enchaîné", mais d'un troisième supplice inventé par ses soins : le garrot théâtral lent. La souffrance se prolonge trois heures." Rien n'est épargné à Marion. Même un élément du décor est raillé avec un humour ravageur. "Qu'est ce que c'est ? Un peigne géant pour girafes ? Une herse de tondeuse à gazon ?" Le papier incendiaire de notre confrère du "Canard" finit comme une complainte. VIGNER est toujours dans le collimateur mais d'une manière, cette fois, plus globale. "Pauvres Lorientais ! L'accueil parisien ne durera que quelques semaines. Ils n'ont, eux, pas le choix à longueur d'années. De quoi dégoûter à jamais de Thalie." Le critique de l'Agence France Presse n'a pas, non plus, aimé Marion. À l'opposé, celui du Monde avait succombé au charme de la mise en scène d'ÉRIC VIGNER. Tout comme, d'ailleurs, son collègue de "Libération". " Ce MARION DE LORME "donne à entendre à la manière d'un oratorio : trois heures d'une grande limpidité, débarrassées de tout fatras romantique, de tout pathos, de tout jugement moral, écrit René Solis. Et d'une grande richesse parce que rendant justice à l'inventivité dramatique de VICTOR HUGO, à sa volonté d'être à la fois classique et baroque. La fable, le sens n'y perdent rien et les vers d'HUGO y regagnent une virginité, une puissance d'évocation insoupçonnée."

"Ce n'est que justice pour HUGO !"

ÉRIC VIGNER est, bien entendu, à Paris actuellement. Flatté par les bonnes critiques et abattu par les mauvaises ? Ni l'un, ni l'autre. Comme beaucoup, il se dit insensible au point de vue, forcément subjectif, des journalistes. La parade est un peu facile. En revanche, son voeu de susciter des réactions est exaucé au-delà de toutes espérances. "Un accueil tiédasse du spectacle m'aurait beaucoup déçu, confie le directeur du CDDB. Après une tournée magnifique en province, Marion entretient la polémique à Paris. Chaque soir, une partie des spectateurs hurle son mécontentement tandis que les autres applaudissent. C'est la bataille d'Hernani ! Je suis comblé ! Et ce n'est que justice pour VICTOR HUGO. En 1829, il avait justement écrit Marion pour provoquer ce type de réactions. Mais, à cause de la censure, la bataille de Marion n'avait pu avoir lieu."

À l'évocation de Bernard Thomas du "Canard enchaîné", ÉRIC VIGNER parle d'"un vieil aigri qui n'a jamais aimé les démarches novatrices." Quelques gouttes de fiel que laisse échapper le patron du théâtre de Lorient. Avant de se ressaisir. "Les critiques font leur travail. Il n'y a rien à dire." En revanche, il relève la dernière phrase de l'article du " Canard ", lâchée bien sûr sur le mode ironique : "Dans la salle, le directeur du théâtre au ministère avait l'air ravi." Satisfaction dont il a certainement fait part à ÉRIC VIGNER. "Ce sont ces gens-là, qui soutiennent la création artistique, qui sont les plus importants."