La Croix du Midi · 21 février 1997 · BRANCUSI

La Croix du Midi · 21 février 1997 · BRANCUSI
La dimension poétique de ce face-à-face entre deux mondes.
Presse régionale
Critique
21 Fév 1997
La Croix du Midi
Langue: Français
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La Croix du Midi

21 février 1997

Théâtre au Tribunal de Pau

Brancusi contre états-Unis: le procès de l'art

En octobre 1926, Constantin Brancusi expédie à New-York une vingtaine de sculptures en vue de la préparation d'une exposition à la Galerie Brummer. à leur arrivée sur le territoire américain, l'administration douanière des États-Unis saisit les pièces, refuse de leur reconnaître le statut d'oeuvre d'art et prétend les taxer comme des marchandises. L'artiste réagit et, suivant les conseils de Marcel Duchamp qui mobilise déjà les milieux artistiques des deux côtés de l'Atlantique à New-York et à Paris, il porte plainte contre l'administration américaine.

En 1927, s'ouvre le procès Brancusi contre États-Unis dont l'enjeu est la définition de l'oeuvre d'art. Pendant des mois vont défiler à la barre des artistes, des critiques, des historiens, des collectionneurs et des marchands d'art... Brancusi aura finalement gain de cause.

Les minutes de ce procès, publiées en français en 1995 par les Éditions Adam Biro ont inspiré à Éric Vigner ce spectacle. Brancusi contre États-Unis a été créé en juillet 96 pour le 50ème Festival d'Avignon dans le cadre intimiste de la salle des conclaves du Palais des Papes. Le pari du Parvis est d'inviter Éric Vigner à recréer Brancusi contre États-Unis dans le cadre de la grande salle d'audience du tribunal. Il ne s'agit pas ici de la reconstitution réaliste du procès Brancusi contre États-Unis. Éric Vigner s'est saisi des comptes-rendus d'audience. Après fragmentation, déconstruction et reconstruction de ce texte non-théâtral, il a cherché à obtenir, par effet de décalage, un matériau poétique.

Le texte est énoncé par des acteurs volontairement extraits du contexte historique et judiciaire : pas de toges noires, point d'hermine mais des redingotes strictes et grises. Les personnages déambulent pieds nus, leurs coiffures sont sculptées avec fantaisie, ils sont chaussés de lunettes rondes à verres rouges. Leur allure étrange de mutants nous entraîne dans un univers kafkaïen où deux paroles, deux vérités s'affrontent et se font face dans une sorte d'incommunicabilité : le savoir et la connaissance.

"Ce qui nous intéresse, dit Éric Vigner, ce n'est pas de savoir si oui ou non Brancusi fait de l'art, mais c'est la dimension poétique de ce face-à-face entre deux mondes et les questions qu'il pose sur l'acceptation de la différence de l'autre".