Paris Normandie · 2 décembre 1998 · MARION DE LORME

Paris Normandie · 2 décembre 1998 · MARION DE LORME
Un Hugo complètement en avance sur son siècle.
Presse régionale
Avant-papier
Jean Boédec
02 Déc 1998
Paris Normandie
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Paris Normandie

2 décembre 1998 · Jean Boédec

La fougue romantique

Censurée deux fois à sa sortie, pour des raisons politiques, la pièce de Victor Hugo Marion De Lorme allait être finalement représentée en 1830, mais après Hernani, terminée pourtant six mois après Marion. La première fois, Hugo a lu la pièce chez lui, devant des amis : Balzac, Musset, Sainte-Beuve, Delacroix et Alexandre Dumas. Ce dernier, enthousiaste, écrivait .. "On m'eût demandé dix ans de ma vie en me promettant qu'en échange j'atteindrais un jour cette forme, je n'eusse point hésité, je les eusse donnés à l'instant même". Tamar Sebok, assistante à la mise en scène de Marion De Lorme, raconte la naissance difficile d'un des grands manifestes du romantisme, au siècle dernier. "Et le lendemain de la fameuse lecture, trois directeurs de théatre parisiens, qui pourtant n'y assistaient pas, envoyaient des propositions à Hugo."

Et pourtant cette pièce en alexandrins sera peu représentée depuis 1830. "Censurée au début parce que le roi Charles X se sentait visé par les allusions, dans la pièce, à l'autocratisme de Louis XIII Marion De Lorme aura été peu jouée par la suite. Pour une bonne raison : c'est extrêmement difficile..."

En avance sur son siècle

"Voilà pourquoi nous avons voulu rompre dans cette présentation réalisée par le Centre dramatique de Bretagne - Théâtre de Lorient avec la mise en scène traditionnelle, qui a tout épuisé pour le public. Nous avons procédé autrement. Nos acteurs disent les vers d'une manière presque anonyme. Par contre leur énergie est particulièrement sollicitée. Aux spectateurs de recomposer les phrases cassées par les vers. Et puis nous avons voulu introduire de la musique avec l'Ensemble Matheus. Les valses de Strauss et Sibelius, L'Automne de Vivaldi, et enfin la Traviata, vont porter les émotions tout en libérant les acteurs de la recherche abusive d'effets dramatiques."

De la même façon, le metteur en scène éric Vigner n'a pas souhaité donner une importance primordiale à l'histoire. "Nous en faisons abstraction. En résumé, Marion de Lorme, courtisane du XVIIe siècle, a beaucoup , d'amants. L'un d'eux, celui qui lui est le plus cher, est provoqué en duel - interdit à l'époque. Et l'intrigue s'épaissit : le cher amant, arrête, va s'échapper puis préférera se sacrifier pour la courtisane, rachetée par son amour pur et désintéressé.  Toutes les composantes du théâtre romantique figurent dans cette œuvre étonnante, où Hugo défend les idées d'une jeunesse impatiente qui a envie de tout casser."

Un Hugo complètement en avance sur son siècle.

"Hugo, chef de file du mouvement romantique, précède largement son temps. D'abord par sa manière d'écrire, très moderne, on pourrait dire en cinémascope tellement c'est expressif. Hugo est né trop tôt : il a raté l'époque du cinéma. Ses héros font partie des jeunes gens qui cherchent un sens à leur vie et ne donnent pas du tout la priorité à l'argent. Et qui ont fortement envie de foutre la pagaille. Un peu comme en 68 quand les jeunes ont lancé : Ça suffit comme ça / Et alors Io détresse de la jeunesse va s'exprimer dans la rue..."