La Revue marseillaise du théâtre · Décembre 2006 · JUSQU'À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE

La Revue marseillaise du théâtre · Décembre 2006 · JUSQU'À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE
La lumière et la musique de scène éclaire l'écriture de Rémi de Vos d'un parfum de nostalgie tout à fait envoûtant.
Presse régionale
Critique
Philippe Oualid
Déc 2006
La Revue marseillaise du théâtre
Langue: Français
Tous droits réservés

La revue marseillaise du théâtre

décembre 2006 / janvier 2007 · Philippe Oualid

Echos et tournées

C'est une histoire de famille qui se joue à huis clos. Un fils (Simon) revient dans la maison de sa mère (Madeleine) avec les cendres de sa grand-mère qui vient d'être incinérée. Retrouvailles difficiles avec les griefs que chacun s'adresse par rapport aux souvenirs d'un temps révolu, et espoir de changement avec l'arrivée inopinée d'Anne, une copine de jeunesse de Simon qui brise dans un geste d'étreinte maladroite l'urne de cendres et qui cherche, à partir de ce moment-là, à s'incruster définitivement dans sa vie d'employé d'agence de publicité réduit à laisser des messages sur répondeur de portable à des collègues de bureau indifférents.

Sur cette trame assez mince se déroulent des dialogues truffés de banalités, de clichés, de lieux communs désolants entrecoupés de discours-confessions de Simon au public comme si la salle se devait de jouer le rôle d'analyste de l'univers castrateur dans lequel se débat ce garçon sensible, efféminé, qui n'a jamais connu de père. Précisons encore qu'on se retrouve parfois dans le climat des "Parents terribles" de Cocteau ,cité d'ailleurs à travers quelques répliques, mais le parler de Rémi de Vos, à la fois répétitif et trivial, évoque plutôt le théâtre d'Harold Pinter ou de Martin Crimp.

Eric Vigner met en scène cette comédie vaudevillesque par ses quiproquos avec une perception si fine de la mécanique théâtrale de ces instants d'identité qu'on reste pendant toute la représentation sous le charme du jeu des acteurs. Ces derniers incarnent d'ailleurs leurs personnages avec une parfaite exactitude de la voix et du geste: Catherine Jacob en mère possessive jalouse et inquisitrice, Hélène Perron en fiancée mystique et démoniaque, Micha Lescot en grand échalas évaporé ou énervé pris au piège des femmes, savent mettre en valeur le texte et son inconscient dans ses aspects sérieux ou grotesques à partir d'une diction troublante, à la fois mélodieuse et irréelle, accompagnée de postures carnavalesques qui suscitent souvent l'hilarité. Ils contribuent largement au succès du spectacle.

On ne comprend pas très bien en revanche la nécessité du décor stylisé qui les emprisonne dans un univers étouffant de salle d'attente constituée d'une muraille masquée par un store vénitien, surmontée d'un grand panneau rouge grenat,prolongée par un coin cuisine résumé à une porte de frigidaire et garnie de degrés roses moquettés utilisés comme des canapés. Heureusement les lumières de Joël Hourbeigt et la musique de scène d'Othello Vilgard qui convoque Alain Bashung, les Beach Boys et des nocturnes de Debussy, apportent à l'ensemble une note poétique qui éclaire l'écriture de Rémi de Vos d'un parfum de nostalgie tout à fait envoûtant.