JOËLLE GAYOT: Description du décor par ÉRIC VIGNER · En Chantier France Culture · PLACE DES HÉROS

JOËLLE GAYOT: Description du décor par ÉRIC VIGNER · En Chantier France Culture · PLACE DES HÉROS
Description d'un décor par son concepteur ÉRIC VIGNER
Propos
Joëlle Gayot
En Chantier France Culture
Langue: Français
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En Chantier France Culture

JOËLLE GAYOT: Description d'un décor par son concepteur ÉRIC VIGNER.

ÉRIC VIGNER: On voit l'espace d'un prologue un rideau, des franges une avant-scène...

JG: et des couleurs aussi, enfin une couleur.

EV: la couleur c'est le violet et le noir laqué, voilà, donc on va décliner ces couleurs dans le deuxième acte. On est dans une atmosphère viennoise et ce qui m'a intéressé pour cette PLACE DES HÉROS c'était de travailler sur les mouvements d'avant-garde qui étaient très productifs avant la guerre dans les années 20-30 en Autriche. Il y avait un atelier qui s'appelait L'ATELIER DE CREATION VIENNOIS qui faisait aussi bien de l'architecture que du design, du papier peint, ou des meubles etc... Ce sont des gens qui ont vraiment inventé des choses magnifiques, et qui travaillaient ensembles; c'est ça qui était intéressant : des artistes qui travaillaient ensemble et qui partageaient leur réflexion et leurs compétences, moi c'est une chose qui me tient beaucoup à coeur et quand ARTHUR NAUZYCIEL m'a proposé de faire le décor de PLACE DES HÉROS j'ai accepté volontiers parce que d'abord j'aime beaucoup Vienne, j'ai un attachement particulier à Vienne et à cette culture-là et THOMAS BERNARDHT est un auteur Autrichien et viennois de surcroît donc c'était intéressant de travailler avec une perception intime aussi de cette culture.

JG: Donc ça c'est le deuxième acte, ÉRIC VIGNER, mais il y en aussi un troisième.

EV: le deuxième acte c'est un acte qui est assez ouvert, c'est un espace ouvert et là ce que vous voyez c'est en fait une espèce de négatif fantomatique d'un bâtiment de Hoffmann qui était un architecte très important qui travaillait dans cet atelier de création viennois.
Là c'est le troisième acte.

JG: Là on vous reconnaît de plus en plus ÉRIC VIGNER dans la mesure où on perd là la notion d'un décor qui aurait quoi que ce soit à voir avec le réalisme et l'on retrouve le plasticien que vous êtes de formation, puisqu’il y toujours en fond ce bâtiment dont vous parliez et puis devant il y a un autre décor qui lui va directement vers la peinture.

EV: c'est-à-dire, c'est une hésitation qu'il y a entre la deuxième dimension et la troisième dimension, entre le plat et l'architecture les bâtiments d'Hoffmann ce sont des choses qui sont d'abord dessinées et ensuite qui prennent réalité dans l'espace une fois construites mais on voit bien qu'on parle de plan complètement dans les bâtiments d'Hoffmann et ce qui était intéressant c'était aussi de travailler sur l'encre, sur le livre, sur la tache sur toutes les choses qui sont liées à l'écriture, comme si l'encre par exemple avait un rapport directe avec le testament, avec la mort, avec le livre, avec le religieux etc. donc on est dans un atmosphère on va dire... je ne sais pas ce qu'on va dire... ça reste difficile à décrire, on est dans la musique aussi... c'est compliqué à la radio de parler d'une image mais on est dans la musique.

JG: est-ce qu'on pense Comédie-Française, Salle Richelieu lorsqu'on sait justement que le spectacle va être créé dans la salle Richelieu, ÉRIC VIGNER, est-ce que le décor se pense aussi en fonction de ce lieu-là qui est particulier qui a ses contraintes également.

EV: je pense qu'il faut avoir une connaissance de la Salle Richelieu et de la Comédie-Française pour pouvoir vraiment bien travailler à l'intérieur de cette maison; mais ça ne se fait pas du jour au lendemain, c'est une salle très particulière c'est un espace singulier et donc c'est mieux de le connaître, ça c'est vrai c'est plus facile - d'autant plus que c'est l'inscription au répertoire de THOMAS BERNHARDT, c'est une pièce commandée par PEYMANN pour le Burgtheater...

JG: CLAUS PEYMANN qui a beaucoup soutenu THOMAS BERNHARD tout au long de sa carrière.

EV: c'était une pièce qui avait été commandée par une institution aussi prestigieuse et équivalente à la Comédie-Française en Autriche à Vienne donc le burgtheater. Voilà on pense à tous ces éléments-là et la Place des Héros c'est la place qui est attenante au Burgtheater à Vienne c'est-à-dire qu'on est dans une réalité: il faut traverser peut-être la Place des Héros pour arriver sur les marches du Burgtheater.

JG: Vous êtes revenu à Vienne, vous dites que vous connaissez cette ville que vous l'aimez beaucoup, ÉRIC VIGNER, depuis que vous savez que vous devez travailler le décor de PLACE DES HÉROS, ça vous a nourri d'y refaire un tour de vous re-promener dans la ville.

EV: La dernière fois que j'y étais c'était pour des raisons familiales, c'était il y a 15 jours et ce qui m'a fait plaisir c'est que la perception que j'ai eue finalement du Burgtheater par rapport à la Place des Héros, par rapport au Palais Impérial qui est à côté et tout ce que j'aime et ce que je sens à Vienne par exemple dans la fréquentation des cafés Viennois où allait Thomas Bernhard, là j'ai trouvé que la proposition qui était née finalement de cette connaissance intime de Vienne par rapport au décor de la place des héros était vérifiée, donc ça m'a fait plaisir, je me suis dit on ne s'est pas trompé, c'est vraiment ça on est à Vienne et pas ailleurs.

JG: c'est un décor qui est à la fois à la mesure de la démesure de THOMAS BERNHARD d'une certaine manière c'est-à-dire qu'il y a aussi la ville qui est dans la pièce, c'est une place, c'est la place qui est prise à partie, ce sont les héros, quels sont ces héros d'ailleurs, qui sont violentés par THOMAS BERNHARDT, et puis ici on est à la Comédie-Française au centre de Paris dans un lieu sacro-saint du théâtre également il a tout ça qui se mélange et je ne peux pas m'empêcher de penser en voyant ces couleurs qui tirent sur le violet effectivement et qui peuvent être aussi en négatif que c'est la couleur du religieux vraiment le violet.

EV: c'est la couleur du sacré, c'est une pièce sur les fantômes, La Place des Héros, ils voient qu'ils reviennent de loin et moi j'ai lu la Place des héros comme une litanie, c'est une litanie, on est dans quelque chose de cet ordre-là alors il fallait créer un espace qui soit le réceptacle de cette litanie qui la supporte, qui la soutienne et évidemment il n'était pas question de créer un espace réaliste il était question de parler du théâtre qui est un espace où les fantômes de la représentation prennent vie, s'incarnent.