Ouest France · 20 janvier 2012 · GUANTANAMO

Ouest France · 20 janvier 2012 · GUANTANAMO
La machine de guerre psychologique est en marche. C'est magnifique.
Presse régionale
Critique
20 Jan 2012
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

20 janvier 2012

Guantanamo d'Eric Vigner nous poursuivra longtemps - Brest

"Nous allons vous poser des questions afin de mieux comprendre votre histoire." La phrase se répète dans chacune des langues des sept comédiens. Sorte de tour de Babel où personne ne comprend l'autre, ne veut le comprendre. Puis on interroge, on répond, on déclare, on dit, on se tait. En contrepoint, les Variations Goldberg de Bach. Un léger changement, un écart de sens, pour faire trébucher sans en avoir l'air. Contre-interrogatoires ou variations sur un même thème.

L'apparente neutralité du texte de Frank Smith renforce l'émotion et l'indicible. L'auteur l'a écrit. Eric Vigner l'a fait. Nous restons hypnotisés devant sa mise en scène où le moindre détail prend du sens. Qu'il est redoutable ce geste du stylo que l'on donne ! Pour en finir, comme un couperet.

Un univers de froid entre beige, bleu et dégradés du noir au gris. Et subitement, toute petite, mais on ne voit qu'elle, une orange que pèle un condamné avant d'aller l'offrir à celle qui demande encore et toujours davantage de nuances. Couleur de l'uniforme, tristement célèbre. Couleur d'un morceau de soleil, peut-être, quand même.

La ronde reprend. Des dossiers, des micros, une longue table en demi-cercle, des tranches de bois pour tabourets. La machine de guerre psychologique est en marche. C'est magnifique. Les comédiens sont justes. Lahcen Elmazouzi est bouleversant.  "Aujourd'hui, 18 janvier 2012, a rappelé l'un des comédiens au début du spectacle, 171 prisonniers sont encore à Guantanamo."