13/08/01 · Cahier de répétitions · Sabine Quiriconi · LA BÊTE DANS LA JUNGLE

13/08/01 · Cahier de répétitions · Sabine Quiriconi · LA BÊTE DANS LA JUNGLE
R2flexions autour du secret de John Marcher
Document de répétitions
Sabine Quiriconi
13 Aug 2001
Cahier de répétitions
Langue: Français
Tous droits réservés

Lorient, Lundi 13- août 2001

Jean-Damien affirme qu'il lui est difficile de mémoriser le texte.

XAVIER JACQUOT vient d'arriver. Il assiste à la répétition.

Premières tentatives autour du tableau II :

Comment passer le rideau de bambous, entrer dans la cage ? Qui parle, à qui, de quel côté du rideau ?

Il est possible de monter un escalier, de descendre dans une trappe.

C'est au cours du deuxième tableau que "la chose", le secret de John Marcher, est plusieurs fois nommée : le dialogue se construit à partir des mots qui la recouvrent, tentent de la cerner. Mais aucun ne la dit précisément ; elle est toujours désignée en fonction d'une situation, de la relation que chacun des protagonistes entretient avec elle. Elle s'impose comme le centre vide d'un réseau de forces. Elle se déplace à mesure qu'on veut la saisir par le langage. On tourne autour. Elle tourne sur elle-même, en spirale, et vrille le texte.

Le centre du plateau est défini : ce n'est pas l'exact milieu de la scène ; c'est une large trouée de lumière, dans le paysage de FRAGONARD, un peu à jardin.

La cuisine occupait le rez-de chaussée de la grande maison. Une porte, presque toujours fermée, donnait sur des escaliers - longs ? étroits ? pentus ? - qui descendaient, quoiqu'il en fût de leur forme et de leur inclinaison, jusqu'à la cave. Les autres pièces de la maison ne nous importe pas. Un enfant habitait là. Il refusait d'entrer dans la cuisine, prétendait qu'une bête se cachait dans la cave. Pour l'instruire, le guérir de sa peur, le raisonner, ses parents agacés décidèrent de l'enfermer une nuit entière dans la pièce qui le terrorisait et de laisser la porte de la cave ouverte. Pendant de longues minutes, cette nuit-là, on entendit l'enfant pleurer, crier, appeler. Les parents, qui savaient être durs quand il le fallait, refusèrent de céder, firent la sourde oreille. Puis ce fut le silence.

Le lendemain, lorsqu'ils ouvrirent la porte de la cuisine, ils découvrirent un carnage d'os, de sang, de membres : la bête était montée de la cave et avait dévoré l'enfant. Qui a écrit cette histoire ?

Être cru ou non. Le plus inquiétant dans cette affaire - qui a écrit cette histoire ? - ce n'est pas la présence de la bête au fond de la cave ; c'est l'incrédulité du monde face à l'évidence du secret, de la présence. Il arrive que l'on ne soit pas cru. Cette éventualité est plus vertigineuse que les escaliers qui descendent de la cuisine à l'antre. John Marcher, c'est autre chose. Cru, il ne fut pas mangé, mais terrassé, d'un bond.