Examen de L'ILLUSION COMIQUE daté de 1660 · PIERRE CORNEILLE

Examen de L'ILLUSION COMIQUE daté de 1660 · PIERRE CORNEILLE
Examen de L’ILLUSION COMIQUE
Dramaturgie
Pierre Corneille
1660
Langue: Français
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Examen de L’ILLUSION COMIQUE daté de 1660 ·  Pierre Corneille

Je dirai peu de chose de cette pièce : c'est une galanterie extravagante, qui a tant d'irrégularités qu'elle ne vaut pas la peine de la considérer, bien que la nouveauté de ce caprice en ait rendu le succès assez favorable pour ne me repentir pas d'y avoir perdu quelque temps. Le premier acte ne semble qu'un prologue, les trois suivants forment une pièce que je ne sais comment nommer. Le succès en est tragique : Adraste y est tué, et Clindor en péril de mort; mais le style et les personnages sont entièrement de la comédie. Il y en a même un qui n'a d'être que dans l'imagination, inventé exprès pour faire rire, et dont il ne se trouve point d'original parmi les hommes. C'est un capitan qui soutient assez son caractère de fanfaron, pour me permettre de croire qu'on en trouvera peu, dans quelque langue que ce soit, qui s'en acquittent mieux. L'action n'y est pas complète, puisqu'on ne sait, à la fin du quatrième acte qui la termine, ce que deviennent mes principaux acteurs, et qu'ils se dérobent plutôt au péril qu'ils n'en triomphent. Le lieu y est assez régulier, mais l'unité de jour n'y est pas observée. Le cinquième est une tragédie assez courte pour n'avoir pas la juste grandeur que demande Aristote, et que j'ai taché d'expliquer. Clindor et Isabelle étant devenus comédiens, sans qu'on le sache, y représentent une histoire, qui a du rapport avec la leur, et semble en être la suite. Quelques-uns ont attribué cette conformité à un manque d'invention, mais c'est un trait d'art pour mieux abuser par une fausse mort le père de Clindor qui les regarde, et rendre son retour de la douleur à la joie plus surprenant, et plus agréable.

Tout cela cousu ensemble fait une comédie dont l'action n'a pour durée que celle de sa représentation, mais sur quoi il ne serait pas sûr de prendre exemple. Les caprices de cette nature ne se hasardent qu'une fois, et quand l'original aurait passé pour merveilleux, la copie n'en peut jamais rien valoir. Le style semble assez proportionné aux matières, si ce n'est que Lise en la sixième scène du troisième acte semble s'élever un peu trop au-dessus du caractère de servante. (...)

Je ne m'étendrai pas davantage sur ce poème. Tout irrégulier qu'il est, il faut qu'il ait quelque mérite, puisqu'il a surmonté l'injure des temps, et qu'il paraît encore sur nos théâtres, bien qu'il y ait plus de vingt et cinq années qu'il est au monde, et qu'une si longue révolution en ait enseveli beaucoup sous la poussière, qui semblaient avoir plus de droit que lui à prétendre à une si heureuse durée.

(L’Examen n’apparut qu’à partir de l’édition de 1660 où il remplaça la dédicace "À Mademoiselle MFDR" )