Ouest France · 13 novembre 2000 · RHINOCÉROS

Ouest France · 13 novembre 2000 · RHINOCÉROS
Une version un peu trop déséquilibrée entre une première partie franchement drôle et une seconde plus aride.
Presse régionale
Critique
Benoit Le Breton
13 Nov 2000
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

13 novembre 2000 · Benoit LE BRETON

La fable de IONESCO donne encore à rire et à réfléchir

Un homme seul résiste à la machine totalitaire qui veut le broyer. Le thème du RHINOCÉROS de IONESCO a pris un méchant coup de vieux. En supprimant quelques passages, trop connotés "années 60", ÉRIC VIGNER imprime un rythme plus actuel à la pièce. Ainsi rafraîchi, ce nouveau "Rhino" peut encore donner à réfléchir. Et, surtout, à rire de bon coeur.

Ne boudons pas notre plaisir : on se marre au centre dramatique. Ça n'a l'air de rien, mais ça soulage. Depuis 5 ans, ÉRIC VIGNER, le maître des lieux, a mis les neurones de son public à rude épreuve. Digérer des textes aussi riches que ceux de Marion de Lorme ou de L'école des femmes n'a pas été de tout repos. Avec Rhinocéros, la dérision, l'absurde viennent détendre l'atmosphère. Merci à IONESCO, bien sûr. Mais aussi au metteur en scène. Éric VIGNER restitue parfaitement les situations comiques, l'incohérence loufoque de dialogues décalés. "L'humanisme est périmé. Vous êtes un vieux sentimental ridicule !"

Jean, alias l'excellent et inquiétant Thomas Roux, est ce clown blanc chargé de faire rentrer dans le rang l'anticonformiste Béranger, campé par un Jean-Damien Barbin, très juste en résistant fragile et pathétique. D'un côté, le bon, de l'autre, les méchants. L'homme sensible face à la meute de "rhinocéros" lourds, sans âme, écrasant tout sur leur passage.

Le spectateur fait un bond de 40 ans en arrière. Le revoilà dans les années 60 quand "le prisonnier" hurlait, sur les écrans de télé, qu'il n'était pas un numéro. Des dizaines de ravalements ne suffiraient pas à débarrasser la pièce de ce vernis désuet. La griffe de VIGNER n'en vient pas totalement à bout, mais en arrache, tout de même, quelques couches. Son travail, tout en nuances, jouant des décalages de placement et de déplacement des comédiens dans l'espace est toujours un régal.

Sa version du Rhinocéros est, sans doute, un peu trop déséquilibrée entre une première partie franchement drôle et une seconde plus aride dont la portée philosophique risque de cueillir le spectateur à froid. Mais la fougue, jamais outrée, des comédiens donne le coup de fouet nécessaire à la pièce pour passer la rampe.

Et le fameux rhinocéros dans tout ça ? Le monstre d'une tonne en carton et en plastique est sagement couché sur le flanc au milieu d'un dallage en marbre, genre villa romaine. Lui aussi est rentré dans le rang. En effet, sa présence anecdotique ne risque plus de voler la vedette aux acteurs...