Cassandre · Septembre 1997 · COMMENT CELA SE FAIT-IL ?

Cassandre · Septembre 1997 · COMMENT CELA SE FAIT-IL ?
La vocation de l'Académie ? " Susciter et entretenir le désir du théâtre "
Revue spécialisée
Dominique Lacroix
Sep 1997
Cassandre
Langue: Français
Tous droits réservés

Cassandre

Septembre 1998 · Dominique Lacroix

Tradition et transmission, dont actes

Un projet de l'AET (octobre 1996-juillet 1997)

Pour la première fois, une génération ne se reconnaît pas idéologiquement dans une pensée, mais par rapport à l'espace de la rencontre. Nous nous sommes rencontrés dans le partage d'une sensibilité, d'une pensée, de ce qu'on a vécu à Moscou, en Avignon. Dans un souci commun. Comment le partager aujourd'hui ?

C'est par ces mots que Moïse Touré, l'un des six metteurs en scène invités à expérimenter le processus de transmission du "Théâtre de la langue, la langue des théâtres", titre générique du programme interrégional de recherche et de formation, transmettait en décembre dernier ses impressions de mi-parcours. En l'espace d'une journée et dans un lieu de leur choix, Moïse Touré (Grenoble) et les cinq autres "maîtres de recherche ", Stanislas Nordey (Nanterre), Hubert Colas (Marseille), Antoine Caubet (Forbach), François Cervantès (Limoges) et Éric Vigner (Lorient), étaient censés donner à voir le résultat de plusieurs mois de collaboration, autour d'un projet concrétisé au travers de deux jeunes compagnies de région — l'une "choisie", l'autre "alliée ", dans un souci inter-régional).

Règles du jeu : des équipes se constituent et chaque metteur en scène définit, en phase avec son équipe, les grandes lignes d'un scénario.
La vocation de l'Académie ? "Susciter et entretenir le désir du théâtre ", et en "transmettre les savoirs à l'échelle internationale ", explique sa directrice. "Nous nous engageons comme partenaires de trajectoires individuelles, en essayant de croiser les destins, de lier des figures, et de rompre les solitudes. L'artiste, pris isolément, n'a pas toujours la possibilité d'envisager une démarche de compagnonnage "

Chacun des metteurs en scène avait, dès 92-93, rencontré dans leurs villes respectives, Moscou, Turin, Berlin, l'un ou/et l'autre de ceux qu'ils considèrent comme leurs maîtres : Anatoli Vassiliev, Heiner MÜLLer ou Luca Ronconi.

"Ma rencontre avec MÜLLer, résume Touré, c'est Koltès. Il m'a donné une des clés." Ce sera le prétexte de sa transmission. "J'ai passé un mois à Moscou dans des conditions idéales, poursuit-il. J'ai retrouvé là l'énergie, le souffle, l'envie qui me manquaient. Cela a été une expérience philosophique, spirituelle, un retour à l'état de grâce de mon enfance. Je terminais un cycle de voyages, je venais juste de m'attacher à Grenoble, moi le nomade. Je me suis identifié à ce lieu. C'est ce que j'ai expérimenté avec Vassiliev : il a confirmé ce que je pressentais."

Si les trois Berlin — celui du Berliner Ensemble, celui du Mur et celui des Nazis —, parcourus par les metteurs en scène avec Heiner Müller, ont arraché au Maître des mots et un regard que Dominik Barbier a fixés dans J'étais Hamlet, Anatoli Vassiliev n'en finit pas de raconter sa ville, où il les a invités en prince.

Transmission assurée, Michelle Kokosowski lui a emprunté la forme de l'événement : "L'idée m'est venue d'une journée à Moscou avec Vassiliev. J'arrive à la gare, son assistante avait pour moi une gerbe de roses rouges. J'arrive au théâtre, Vassiliev m'offre du thé. Nous parlons. Ensuite, c'est le spectacle. Nous sortons, parlons encore. Il me montre la maquette de son prochain théâtre. Nous nous promenons dans les rues de Moscou jusqu'à l'aube. Puis il me raccompagne à mon hôtel. Cette attention, ce rapport à l'autre, voilà un acte de transmission."