La maison de Dubillard · Éric Vigner

La maison de Dubillard · Éric Vigner
Dubillard: un manifeste poétique.
Note d’intention & entretien
Éric Vigner
Oct 2003
CDDB-Théâtre de Lorient
Langue: Français
Tous droits réservés

La maison de DUBILLARD

Éric Vigner · Octobre 2003

La bonne porte

"J'y suis entré par hasard dans la maison de ROLAND DUBILLARD, par la petite porte à la fin de l'adolescence et j'y suis resté. La première fois, c'était en Bretagne au Conservatoire de Région. Deux amis présentaient une scène de LA MAISON D'OS: rien compris. J'ai tendu l'oreille, intrigué, puis je l'ai travaillé pour le concours d'entrée du Conservatoire d'Art Dramatique de Paris.

Quand quelques années plus tard il s'est agi de devenir un homme sans pour autant oublier l'enfance et ses terrains de jeux mais de manifester son désir et de ne pas céder là-dessus, LA MAISON D'OS est revenue à la mémoire tout simplement, elle y avait toujours été. Elle n'était plus visitée depuis une trentaine d'années et c'est alors que cette jeune Suzanne M, cette très jeune compagnie de théâtre avait décidé de l'habiter et de faire territoire de ce chef-d'oeuvre de la littérature théâtrale de la seconde moitié du XXe siècle.
Suzanne M avait adopté le mot d'ordre libérateur de DUBILLARD Mieux vaut parler comme on veut que comme il faut. Ou alors, je vais me taire. C'est à choisir, celui-là même qui avait présidé à la création de LA MAISON D'OS.

Ce texte s'offrait à nous comme la matière qui allait fonder les bases du nouveau théâtre que nous voulions construire: un manifeste poétique pour inventer l'avenir par le théâtre exactement. J'ouvre le livre et la plongée est imminente à l'intérieur de soi.
C'est là, la connaissance directe de DUBILLARD, ou non, ça ne s'explique pas, ça se comprend de la manière dont ça se sent, ça échappe à la réduction analytique, on y adhère totalement, à tout sinon rien.

J'ai retrouvé ce sentiment avec DURAS et j'ai eu la chance de connaître les deux, en chair et en os.

C'est une histoire de famille, il y a la famille DUBILLARD comme il y a celle de DURAS, c'est-à-dire, une adhésion irrémédiable et durable, immédiate et profondément intime, à l'oeuvre et à la nature si particulière de sa relation au monde (personnelle), qui avance par liens, DUBILLARD avant Internet, le coeur en plus, par bonds, par fragments, par bouts de mémoire et de sensations, collisions, emboîtements, il n'y a pas de logique déterminée de l'oeuvre au commencement, seulement le sentiment qui conduit à la nécessité d'écrire, son flux, pas de fin programmée, pas possible, plutôt un va-et-vient, à la "va comme je te pousse", une multitude de points exemplaires et autonomes qui finissent par former un tout, comme on dirait de l'oeil d'une mouche aussitôt diffracté.

L'œuvre de DUBILLARD initiera artistiquement toute une vie, la mienne en particulier, mais aussi celles des enfants de la maison, ceux qui savent encore aujourd'hui que jouer est un jeu, ceux qui n'ont pas oublié les jardins d'enfance."