Théâtres en Bretagne · Le CDDB - Théâtre de Lorient · Marion de Lorme

Théâtres en Bretagne · Le CDDB - Théâtre de Lorient · Marion de Lorme
Carte blanche à la création
Revue spécialisée
Commentaire & étude
Fabienne Lacouture, Marie-Madeleine Mervant-Roux
Mai 1999
Théâtres en Bretagne
Langue: Français
Tous droits réservés

Le CDDB-Théâtre de Lorient · Les visages de Marion de Lorme

FABIENNE LACOUTURE · MARIE-MADELEINE MERVANT-ROUX

Le CDDB-Théâtre de Lorient · Carte blanche à la création

On arrive au CDDB Théâtre de Lorient par une petite rue. Un panneau discret indique la direction à prendre. De l'extérieur, le bâtiment surmonté d'un sigle géant évoque plus un cinéma qu'un théâtre. C'est du reste ce qui fut sa destination première jusqu'en 1985, date où il devint le Théâtre de Lorient, sous la direction de Jean Le Scouarnec jusqu'à la nomination d'Éric Vigner, en 1995 qui le transforma en un lieu uniquement voué à la création.
L'accueil fourmille de documents, de publications sur le théâtre, de revues de presse sur les créations du CDDB, il jouxte un bar où les soirs de spectacle, on sert des repas. Des tables en pin, des fauteuils recouverts de tissu écru finissent de meubler le hall, conçu comme une antichambre de la salle qui invite à la convivialité. À l'assemblement, déjà.
La salle est au fond : "Une salle dont la dimension est volontairement modeste", insiste Mona Guichard, Administratrice du lieu. "Elle contient 339 places. Mais pour la plupart des spectacles, cette jauge est réduite à 250 places. Cela a le gros avantage d'induire un rapport exceptionnel avec le texte. Ce rapport scène/salle est d'ailleurs un postulat de départ pour la politique de création que défend le CDDB."
À son arrivée à Lorient, en août 1995, Éric Vigner n'a donc pas cherché à modifier profondément la configuration de l'ancien théâtre. Il s'est simplement contenté de le remettre à jour en y ajoutant les équipements nécessaires en vue de l'accueil de spectacles de théâtre et d'une cage de scène, à installer des dessous de scène et à changer tous les fauteuils qui dataient de l'ancien cinéma paroissial.
Le parcours d'Éric Vigner a joué un grand rôle dans l'élaboration de la politique culturelle du lieu, bien sûr, mais aussi clans la construction de son identité comme lieu essentiellement axé sur l'accueil de jeunes équipes de création. Car outre les créations d'Éric Vigner, le CDDB accompagne et produit des premiers textes ou des premières mises en scène, et a ainsi pu donner aux artistes une audience nationale. "Pour Éric Vigner, tout est parti de sa Compagnie, Suzanne M.
À un moment donné, la Compagnie a présenté un spectacle qui a connu un retentissement important. C'est ce qui a permis de la faire (re)connaître à un niveau national. Mais cela n'empêche pas qu'elle ait connu les affres des jeunes compagnies qui manquent de lieux pour travailler et se produire. Cette expérience entre pour beaucoup dans les partis-pris de la programmation du CDDB", ajoute Mona Guichard. "Éric Vigner a à coeur de faire jouer des équipes très jeunes auxquelles il propose des moyens de création, mais surtout, si besoin est, un très long temps de préparation. De larges plages de travail leur sont proposées qui peuvent s'échelonner sur plusieurs années. De ce fait, le CDDB est un lieu qui vit tout le temps. S'il n'y a pas, à proprement parler, d'équipe artistique professionnelle permanente, notre souci est qu'il y ait, en revanche, une présence toute l'année. Ce qui est permanent, en somme, c'est l'accueil d'équipes de création. À titre d'exemple, il y en aura eu cinq, cette saison. Les cadres ne sont pas rigides. Nous nous adaptons en permanence aux équipes qui se succèdent en fonction de leur configuration, de leurs attentes et de leurs besoins. Ce qui nécessite une coordination très importante." Ainsi, à l'issue de la première convention, le CDDB aura produit et accompagné 10 spectacles, qui ont tous fait l'objet de tournées et rassemblé plus de 120.000 spectateurs.
S'il n'y a pas "d'équipe artistique permanente" au CDDB, on y compte en revanche de nombreux artistes associés avec lesquels la structure entretient des liens privilégiés. Acteurs, metteurs en scène et/ou formateurs, ils y font leur première carte blanche, leur premier assistanat et, bien sûr, jouent les uns avec les autres. C'est l'aventure qui a conduit au CDDB Éric Ruf, jeune comédien formé au Conservatoire de Paris, aujourd'hui sociétaire de la Comédie-Française qui, après avoir été Bajazet dans le Bajazet de Racine mis en scène par Éric Vigner, a pu créer et présenter sa première mise en scène (Du Désavantage du vent), en janvier 1998. Il travaille actuellement sur une autre création (Les Belles endormies), au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis qui devrait conférer à son projet une dimension nationale. C'est l'aventure aussi de Arthur Nauzyciel, jeune comédien-associé au CDDB pendant trois ans, qui présente actuellement à Lorient le Malade imaginaire au le silence de Molière d'après Molière et Giovanni Macchia. Les exemples abondent, mais l'on pourrait citer encore le Lorient-Pondichéry, créé l'an dernier par Christiane Véricel (fondatrice de la Compagnie Image Aiguë). Le spectacle, qui associe des enfants de la région lorientaise et de jeunes Indiens s'apprête à présent à partir en tournée, tandis qu'elle créera en mai prochain Jour après Jour avec, cette fois, des enfants de Rio de Janeiro et Salvador de Bahia.
Ces différents projets sont emblématiques de la politique artistique du CDDB. Chacun d'entre eux, en effet, est l'expression à la fois d'un rapport très fort au territoire (au local, c'est-à-dire à la Bretagne : les spectacles d'Éric Ruf, par exemple, sont fortement imprégnés de l'imaginaire de la mer), et d'une volonté d'ouverture à l'étranger : si les projets de création se formulent au CDDB, ils s'accompagnent toujours de tournées importantes en France (150 représentations par an, environ), voire à l'étranger. Car le CDDB s'oriente de plus en plus vers des projets internationaux, comme celui d'une autre jeune artiste qu'il soutient, Bérengère Jannelle, qui travaille actuellement au Domaine de Kerguehennec, centre d'art contemporain de Bignan, dans le cadre des cartes blanches du CDDB, sur le Décaméron de Boccace, en coproduction avec des acteurs italiens.
Une telle activité suppose, au sein même du Centre Dramatique, une équipe solide dont la géométrie varie en fonction des besoins : "une dizaine de permanents, deux contrats à durée déterminée et un volant d'intermittents techniques. Cela représente une centaine de salariés par mois, en moyenne. Mais là encore, rien n'est rigide. Tout se fait en fonction des compagnies qui travaillent ici.
L'autre grand volet de la politique menée par le CDDB concerne la formation et la sensibilisation des publics. C'était a priori une gageure dans une ville où la création théâtrale contemporaine était peu présente et ne faisait pas partie des habitudes. "Pourtant, nous avons observé qu'il existe ici un vrai public de théâtre. En trois ans, la fréquentation a augmenté de 50 %. C'est un public très éclectique, mais essentiellement composé de jeunes (50% des spectateurs du CDDB ont en effet moins de 25 ans). Cette forte augmentation est directement liée à un accompagnement continu qui prend la forme d'un important travail de terrain, mené en direction de tous les publics par des artistes-intervenants. Nous proposons entres autres une réelle proximité avec la création. Nous avons noué, par exemple, un partenariat régulier avec l'École des Beaux-arts. Trois quart des étudiants sont abonnés et nous accueillons un ou deux d'entre eux sur chaque création en tant que stagiaires."
Les actions menées en direction du public se font selon deux grands axes : d'une part, une action de formation qui touche un large public au travers de la proposition de stages de pratique qui s'adressent à tous les âges. Par ailleurs, quelques uns des artistes associés au CDDB (Jean-Yves Ruf, Arthur Nauzyciel, Laurent Poitrenaux, Olivier Werner et Nathalie Duverne) ont en charge l'animation des classes L3 option théâtre-expression dramatique du Lycée Jean Macé de Lanester. Elles se font également en direction de nombreux organismes-partenaires culturels tels que l'ADEC 56, l'École Nationale de Musique de Lorient, les comédiens amateurs et les comédiens professionnels, les amateurs de danse, les options "Arts du spectacle" du Deug de Lettres de l'Université de Bretagne Sud, l'Institut de formation en soins infirmiers et l'Etablissement Régional d'Enseignement Adapté (EREA) de Ploemeur. En outre, le CDDB est jumelé avec une dizaine d'établissements scolaires de Lorient et de ses environs. Les jumelages peuvent prendre la forme de rencontres avec des équipes artistiques et techniques, d'ateliers de sensibilisation au théâtre, d'approches sur les métiers du spectacle ou de travaux sur la critique dramatique. Ces actions représentent environ 1000 heures de formation par an. D'autre part, elles prennent la forme d'une action de sensibilisation qui se fait de façon plus ponctuelle, en fonction des spectacles, des projets, de la programmation. Ces projets s'adressent en particulier à des publics éloignés géographiquement ou présentant des difficultés (sociales, culturelles, économiques, physiques...) à accéder à des pratiques culturelles. "Nous avons le souci d'avoir une programmation exigeante. Il nous semble donc naturel de l'accompagner d'une possibilité d'échange avec les artistes. De ce fait, nous accueillons un public formé, ouvert à un théâtre de recherche plutôt qu'à un théâtre de pur divertissement. Pour prendre un exemple concret, un spectacle tel que J a très bien été reçu à Lorient. Nous avons été très surpris des réactions qu'il a pu susciter en tournée. Au Théâtre de la Ville, en particulier." Des groupes peuvent aussi se constituer autour de la programmation du CDDB, pour devenir "acteurs" de leur théâtre : apporter leur regard éclairé sur les spectacles et prendre leur plume.
Aujourd'hui, donc, le sigle CDDB est totalement ancré dans les moeurs. Et avec lui, une idée très précise du théâtre comme cellule de création. "Bien sûr, c'est une chose qui ne peut pas faire l'unanimité, à l'échelle d'une ville, mais nous bénéficions d'un bon rapport de confiance et nous sommes le seul lieu, ici, qui puisse répondre à ce type d'activité. De ce fait, le CDDB a réussi à établir une réelle présence dans la ville et dans son rayonnement culturel."

Propos recueillis auprès de Mona Guichard, Administratrice du CDDB, le 23 Mars 1999, par Fabienne Lacouture.

Les visages de Marion de Lorme

Marion de Lorme commence par une lecture intégrale, claire et nette, frontale, chorale, adressée droit aux spectateurs, de la préface écrite par Hugo en 1831. Cette lecture n'est pas un ornement formel. Éric Vigner a pris au pied de la lettre le passage où l'auteur revendique le droit de mener un travail artistique, simplement, pleinement, audacieusement artistique. "C'est quelque chose, c'est beaucoup, c'est tout pour les hommes d'art, dans ce moment de préoccupations politiques, qu'une affaire littéraire soit prise littérairement." Au moment où Hugo s'exprime la revendication de produire une "chose d'art" est d'abord une protestation contre la tendance de l'opinion à fonder son appréciation moins sur les qualités propres d'une oeuvre que sur les opinions politiques de l'auteur. Un siècle et demi après et dans un contexte où l'on tend à nouveau à privilégier la dimension directement sociale du théâtre, Éric Vigner reprend à son compte cette déclaration de principe. Il entreprend non de "mettre en scène" Marion de Lorme au sens usuel de ce terme (peut-être aurait-il dû l'annoncer plus clairement ?) mais d'élaborer à partir de sa découverte du texte de Marion de Lorme une "affaire théâtrale" à prendre"théâtralement", une création à part entière unissant les différents arts (la scénographie, le jeu d'acteur, les arts plastiques, la musique) en une sorte de portrait scénique de l égnigmatique figure-titre. Le choix de l'actrice (Jutta Johanna Weiss) dont le visage mobile est au centre de tout, le travail sur l'espace, la lumière, le sonore, l'énonciation si particttlière du texte vont dans le même sens. Marion de Lorme illustre la façon dont Éric Vigner définit la mission de son Centre Dramatique : plus artistique que culturel, certes lié à la culture mais par l'intermédiaire de l'art.

Comment ce spectacle est-il né ?

Éric Vigner L'idée de ce travail est née dans un atelier du TNS (Théâtre National de Strasbourg) que j'avais dirigé. Je devais faire travailler de jeunes acteurs. Je n'avais jamais travaillé sur Hugo. Je ne connaissais pas Marion de Lorme. Je croyais la connaître. J'ai découvert ce texte, j'ai découvert le troisième acte où Marion joue la Chimène de Corneille. Quelque chose dans ce texte me nourrissait. Je me nourrissais du poème dramatique et je me débarrassais des didascalies. J'ai su qu'ily avait eu une lecture de la pièce chez Madame Hugo. Beaucoup de poètes, de peintres, d'artistes étaient là. Hugo avait vingt-sept ans, il rassemblait toutes les idées du nouveau théâtre. Je suis parti de cette idée. Les acteurs que j'ai réunis viennent d'univers très différents : certains viennent de chez Dominique Valadié (le Cardinal), deux du Conservatoire, un du TNS (Jean-Yves Ruf), celle qui joue le roi vient du théâtre de rue. C'est mon assistante qui a pensé à Jutta. Elle est venue de Vienne où elle faisait un spectacle pour les sourds-muets, en langue des signes. Cette actrice m'a paru absolument remarquable dans le sens où elle a plusieurs visages. Elle n'a pas qu'un visage, elle est à la fois ange et démon. Et Marion de Lorme n'est pas une femme. Elle est toutes les femmes. Elle peut prendre tous les visages possibles. Elle a un visage-miroir, un miroir doux, pas un miroir violent. Le spectateur s'y voit. Le visage de la comédienne est un visage clair qui prend la lumière remarquablement. J'ai été frappé par sa capacité à renvoyer quelque chose de l'ordre de la lumière, par sa capacité à se transformer. Tous les soirs sont différents pour elle. Elle a la capacité de prendre contact avec l'espace du théâtre entier. Le lien invisible, énergique qu'elle entretient avec le spectateur, c'est cela son travail. Elle a été inspiratrice.

Vous parlez du lien "énergique" au spectateur. Le spectacle Marion de Lorme a été créé dans et pour une salle de 300 places. C'est important.

Éric Vigner Oui. Dans la salle de Lorient, il y a plus d'espace consacré aux acteurs qu'aux spectateurs. Ce qui est donné aux spectateurs est comme un énorme cadeau : ils ne représentent plus dans l'espace la part la plus importante et cela fait basculer les choses. On n'est plus devant, on est dedans. Une des volontés de mon théâtre a été depuis le début, depuis La Maison d'os de mettre le spectateur dans quelque chose. La violence de certaines réactions est liée à cela. Il y a des gens qui veulent absolument être devant et on leur offre la possibilité d'être dedans. Ils résistent un certain temps et puis ils craquent ! En même temps, il y a un travail de distanciation. On peut être dans un rapport général au public, on intègre scène et salle, on s'adresse à tout le monde à la fois. Mais moi, je pense qu'il faut des va-et-vient et c'est le travail que nous sommes en train d'élaborer avec les acteurs : comment je joue en créant un quatrième mur, comme au cinéma, et comment je passe de ce quatrième mur à une adresse générale et j'englobe alors tout le public, plus les camarades avec qui je joue. La représentation n'est plus une chose posée au milieu de la scène. Pour cela, même raccourcie, la salle du Théâtre de la Ville à Paris est trop grande. Le rapport est très bon dans les espaces plus petits ou dans les théâtres à l'italienne.

Comment le spectacle s'est-il intégré dans la vie du CDDB ?

Éric Vigner Marion de Lorme a ouvert la saison 98 du CDDB. Qui est presque la quatrième saison : officiellement mon contrat a commencé le 1er janvier 1996 mais effectivement j'y suis entré en août 1995. J'avais ouvert la première saison avec L'Illusion comique qui est aussi une pièce manifeste sur le théâtre. Ce qui m'intéresse dans L'Illusion comique, c'est le mot "réconciliation". C'est aussi le premier mot de Marion de Lorme : "Réconcilions-nous, ma petite Marie !" Les Romantiques, contrairement à ce qu'on croit, ne voulaient pas la division. Ils voulaient le tout. On a considéré que c'était des anarchistes provocateurs alors que c'était des gens qui voulaient et la vie et la mort et tout le public assemblé... L'Illusion comique posait la question du théâtre en tant qu'art et de sa fonction réconciliatrice à l'intérieur d'une histoire. On a commencé par là. On a fait ensuite toute une série d'expériences. Un cycle de trois ans se finissait. J'ai trouvé dans Marion de Lorme un souffle nouveau, je me suis emparé de ce manifeste comme de mon propre manifeste. Le mot "artistique" a totalement disparu du vocabulaire ! On parle de beaucoup de choses mais on ne parle jamais de l'art dramatique. Moi, je dirige un centre d'art dramatique. Or, la révolution artistique n'a pas touché le théâtre. Elle a touché les arts plastiques, la musique... le théâtre est resté un endroit préservé, ce n'est pas juste. Revenir à un théâtre d'art, c'est ce que nous essayons de faire à Lorient. Je n'ai accepté de prendre la direction d'un centre dramatique qu'à condition que celui-ci redevienne un centre dramatique avec une vocation particulière : que l'on y fasse uniquement de la création théâtrale. Le déclencheur poétique, pour moi, a été les arts plastiques. Avec l'avancée de tous les arts, on peut inventer quelque chose de nouveau. Il y a aujourd'hui une jeunesse - moi, j'ai 38 ans - qui a une volonté, une clarté d'esprit, qui ne tourne plus du tout dans les vapeurs d'utopie et qui veut travailler.

Dans la préface de la pièce, on assiste avec étonnement à une défense provocante, militante, collective, de la poésie, de l'art, de la forme artistique. On se met à penser qu'il y a peut-être un lien entre l'effacement aujourd'hui de ce type de parole et l'ensauvagement des enfants dans notre société...

Éric Vigner Une jeune fille a dit : "Ça me fait penser aux enluminures du Moyen Age. Il y a des personnages, et de la bouche sort une phrase et la phrase sort dans l'espace et devient matérielle." C'est magnifique de dire cela. Bernard Noël est venu, le spectacle l'a enthousiasmé. "Je suis pourtant pessimiste de nature", disait-il, "mais je crois quand même qu'il y a quelque chose qui peut sauver le monde, c'est la diction." Il faut qu'on fasse l'apprentissage du dire. On a beaucoup de spectateurs qui sont très défavorisés, des jeunes gens de quinze, vingt ans qui ne voient pas d'avenir à Lorient, une ville qui se vit sans avenir depuis sa destruction, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le théâtre apporte à un certain nombre de gens de l'espoir par rapport à l'avenir. À Lorient le théâtre a sa nécessité. Nous avons reçu une lettre : "On est venus. On a vu un objet artistique. On a vu un théâtre auquel on n'aurait pas pensé." Si ce n'est pas cela, l'art, qu'est-ce que c'est ?
Après trois ans d'exercice, Marion de Lorme n'est pas apparu difficile à notre public. Notre théâtre vit bien, il a beaucoup de spectateurs, il est très convivial. En Bretagne, il n'existe qu'un seul Centre Dramatique dirigé par un artiste : le CDDB. Puis il y a le Centre Chorégraphique dirigé par Catherine Diverrès à Rennes. Il est important de revendiquer l'inventivité de ce lieu du point de vue de la création artistique. C'est une chance. Il ne s'agit pas d'un théâtre élitiste. C'est plutôt un théâtre populaire, et très poétique.

Propos recueillis par Marie-Madeleine Mervant-Roux, le 29 janvier 1999 pendant la tournée de Marion de Lorme à Paris (Théâtre de la Ville)