Ouest France · 13 décembre 2013 · UNE JOURNÉE AVEC L'ACADÉMIE

Ouest France · 13 décembre 2013 · UNE JOURNÉE AVEC L'ACADÉMIE
ÉRIC VIGNER a eu l'audace, pendant trois ans, d'inviter de jeunes artistes étrangers et français d'origine étrangère à se forger aux métiers de la scène. Il en dresse un premier bilan.
Presse régionale
Avant-papier
Gildas Jaffré
13 Déc 2013
Ouest France
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Ouest France

13 décembre 2013 · GILDAS JAFFRÉ


"L'académie de théâtre de Lorient était utopique"

ÉRIC VIGNER a eu l'audace, pendant trois ans, d'inviter de jeunes artistes étrangers et français d'origine étrangère à se forger aux métiers de la scène. Il en dresse un premier bilan.

Quand vous avez créé l'Académie il y a trois ans, c'était quand même un sacré pari, non ?
Un projet utopique, qui n'existe nulle part ailleurs. Le projet de l'Académie était de travailler avec de jeunes acteurs, pour moitié des acteurs français d'origine étrangère, des immigrés de la deuxième ou troisième génération, et l'autre partie des étrangers qui ont accepté de venir à Lorient pendant trois ans travailler le théâtre en français.

Quel est votre regard sur eux, au moment de la séparation ?
Le contrat était clair, ils ont vécu une expérience unique. Il n'y a pas de modèle. L'apprentissage s'est fait avec le public dès le début. Ces jeunes ont beaucoup progressé, sont devenus des acteurs.

Comment ce travail a-t-il été organisé ?
D'abord, la transmission. La première année, on a travaillé en circuit fermé les principes que l'on peut donner à n'importe quel étudiant d'art dramatique sur le théâtre classique français. Après, on a invité des penseurs et des acteurs du monde du théâtre contemporain. Enfin, la particularité de ce système où les choses étaient fixées très longtemps en avance, c'était le projet artistique du Centre dramatique national de Lorient : son moteur était ce qu'on allait faire avec eux. Avec quand même trois productions ! Il y a eu 200 représentations, on a touché 80 000 spectateurs, 50 villes, un vrai tour de France !

Pouvez-vous rappeler ces créations ?
La Place royale, de Corneille en 2011, sur quelqu'un qui veut être libre. Gantanamo qui est un texte politique, écrit en 2006 à partir des interrogatoires des prisonniers, un sujet mondial ; et La faculté, une pièce écrite en 2012 par Christophe Honoré, un texte basé sur un fait-divers : l'assassinat d'un jeune beur homosexuel sur un campus universitaire en France. Nous étions très en avance sur les questions d'actualité.

Pourquoi cette expérience était-elle pour vous si importante ?
On ne trouve pas que le théâtre contemporain est très représentatif de la jeunesse contemporaine : on a donc créé un groupe qui est symboliquement censé représenter la jeunesse du monde d'aujourd'hui. Les questions travaillées à travers les textes, sont liées à la jeunesse, à la liberté, et au désir.

Pourquoi cette journée de fête, avant la séparation?
On est dans une logique longue, pas dans la production d'un spectacle, puis d'un autre... Le théâtre, c'est un territoire, une histoire de vie, de fidélité à un public. On a réussi un projet à la fois politique et artistique. C'est honorable pour Lorient, c'est une attitude humaniste. Ces étrangers vont retourner dans leur pays avec cet esprit de faire du théâtre.