Evene · 2009 · ORDET

Evene · 2009 · ORDET
Entre fascination et déception, Ordet laisse un goût étrange.
Web
Critiques
2009
www.evene.fr
Langue: Français
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Ordet, c’est la parole, un flot de mots salvateurs que la bouche expulse pour survivre. La parole, comme une vague d’émotions troubles projetée sur l’autre. Entre ciel et mer gelés, des êtres se parlent. Paroles voyageant à bord du spirituel et du religieux où la réflexion se focalise sur une question fondamentale : celle de la croyance. Mais penser que la question de l’existence de Dieu est le premier enjeu de la pièce serait réducteur.

Ordet, c’est s’interroger "sur le doute, sur le désir ou sur la nécessité de croire". Croire en la vie, croire en Dieu, peu importe l’objectif à atteindre, pourvu que la foi sincère jaillisse du coeur et du corps avec vérité. Avec une force presque charnelle, la langue de Kaj Munk irradie par sa sobriété.

Or, le point de vue choisi par Arthur Nauzyciel crée une discordance avec les propos, un déséquilibre entre la force du sens et un phrasé trop haché, trop lent. Le décalage volontaire qui aurait pu mettre en relief la langue n’apporte finalement que lourdeur et dénature le sens du texte. Au rythme des répliques de Pascal Greggory, l’histoire semble interminable. Dommage, car Xavier Gallais propose une performance époustouflante. Sa vérité est palpable, comme en témoigne la profondeur de son regard gorgé de larmes, et sa voix chevrotante. Pas de pathos dans son interprétation mais une authentique sensibilité du texte. En fou schizophrène et délirant, il adopte un parler articulé, rapide et saccadé, redonnant au texte toute sa portée initiale.

Et dans cette lignée, la fin du spectacle se démarque du reste de la pièce. A travers une chorégraphie frénétique, les personnages exercent comme une ronde d’amour et de compassion, au rythme du souffle de Mikel qui pleure sa bien-aimée. Tel un bloc humain les personnages, unis les uns aux autres, forment un véritable rempart à la tragédie qui les rassemble. Le passage est magistral, mais trop rare. Entre fascination et déception, Ordet laisse un goût étrange.