Le Télégramme · 25 avril 1998 · LA DOULEUR

Le Télégramme · 25 avril 1998 · LA DOULEUR
Une lecture féminine, une écriture elliptique, dans l'intimité de la scène.
Presse régionale
25 Avr 1998
Le Télégramme
Langue: Français
Tous droits réservés

Le Télégramme

25 avril 1998

La Douleur : Duras à deux voix

Elles se sont assises là comme par hasard, mais elles se sont donné rendez-vous : elles restent de passage. Elles sont venues s'attabler face à face sur le devant de la scène pour cela. Elles ont à nous lire ce journal intime, La Douleur de Marguerite Duras, lecture dirigée par Eric Vigner, jeudi soir au CDDB.

Les deux femmes seront tour à tour la voix de la narratrice. L'une, incarnée par Anne Brochet, douce et impassible, raconte l'attente. L'autre, Bénédicte Vigner, raconte ce qu'elle a pensé, ce qu'elle a été, là, seule, au centre de transit, à Orsay : un rythme de parole, une phrase en pousse une autre.

Le personnage féminin qui prend la parole a écrit ce journal, il y a longtemps, et elle l'a retrouvé : "Je n'ai aucun souvenir de l'avoir écrit". Ce texte, c'est l'attente, de jour en jour, du retour de Robert L. Il faisait partie d'un convoi pour Buckenwald. Les alliés délivrent les camps de concentration, dans l'hébétude, ici, de tous ceux qui ne savaient pas, de ceux qui se mettent alors à attendre des nouvelles des absents.
Maintenant qu'on pourrait se dire que Robert L a des chances de revenir, la narratrice se pose toutes les questions. Et quand elle y répond, c'est pire.

L'attente de la douleur

Chaque jour d'une attente, qui s'est faite angoisse, qui devient presque naturellement un vide, ce vide de l'interrogation, d'un espoir qui n'est plus, à force d'être. C'est bien ce sentiment durassien qui transparaît ce soir dans les voix féminines : du sentiment du vide au vide du sentiment.

Comment se dire à soi-même la douleur ? Comment la lire ? C'est le monde extérieur qui vit sa propre vie, objectivement, qui nous en donne la mesure : impressions sonores, évocatrices, les trains en gare, un souffle du dehors, la pluie, les orages d'avril, la mer...

Une écriture de la douleur. L'autre n'existe plus que par le souvenir qu'on a de lui, une silhouette dans le soleil sur la plage. Mais Robert L est revenu. Il doit se remettre à manger et à vivre.

Au CDDB, une lecture féminine, une écriture elliptique, dans l'intimité de la scène, quand passe Holocauste, là-bas, à Lochrist. Une partie des spectateurs avaient vu Holocauste : ils étaient encore sous le choc.