La jouissance et la gloire · Brigitte Jaques · HORACE

La jouissance et la gloire · Brigitte Jaques · HORACE
Note du metteur en scène
Note d’intention & entretien
Brigitte Jaques
1989
CNSAD · Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique
Langue: Français
Tous droits réservés

La jouissance et la gloire · BRIGITTE JAQUES

HORACE met en scène la fondation sanglante de Rome comme Etat. À l'origine, le crime du premier roi, Romule, assassin de son frère, rappelé à la fin de la pièce par CORNEILLE et justifiant toutes les horreurs à venir. Puis cette guerre "plus que civile" entre Albe et Rome, entre la Cité-mère et la Cité-fille — ainsi que les nomme saint Augustin — et qui fait le premier sujet d'HORACE.

Albe est ton origine : arrête et considère
Que tu portes le fer dans le sein de ta mère.

Enfin, le meurtre de sa soeur par HORACE qui fait le second sujet de la pièce et consacre avec une grande violence la suprématie mâle, la figure du conquérant qui va s'identifier désormais au cours inexorable du monde.

Ainsi reçoive un châtiment soudain
Quiconque ose pleurer un ennemi romain.

Rome entre dans l'Histoire.

CORNEILLE écrit HORACE alors que la France est elle-même en lutte pour la suprématie en Europe, quand Richelieu — à qui la pièce est dédiée — met en place un État souverain plus puissant que les clans aristocratiques et les grandes familles. Il est probable que l'espoir éclatant d'un destin sans pareil pour la France auquel, très proche du pouvoir à cette époque, il prend part, inspire le ton exalté du jeune CORNEILLE en ces années 1640 — il écrit là sa première véritable tragédie politique. Bientôt la France se posera en "Nouvelle Rome".

Dans HORACE, CORNEILLE s'attache à montrer que Rome pour exister doit faire de chacun une victime ou un meurtrier, capable de sacrifier ce qu'il aime et lui-même à une cause plus grande que lui et qui doit l'écraser. L'art de CORNEILLE sera ainsi de mettre en scène une famille profondément unie — plus encore que ne la montraient les historiens qui l'inspirèrent — puis de la laisser ravager et détruire par la louve romaine.

CORNEILLE expérimente pour la première fois dans HORACE cet art où il excellera toujours, de mettre en scène l'accélération prodigieuse des "grandes journées de guerre", le sentiment de l'urgence, la confusion, l'égarement, mais aussi le dépassement des sujets pris dans la tourmente. C'est ainsi qu'il fait sentir la "force mystérieuse" de l'Histoire, incarnée ici par Rome.