02/08/01 · Cahier de répétitions · Sabine Quiriconi · LA BÊTE DANS LA JUNGLE

02/08/01 · Cahier de répétitions · Sabine Quiriconi · LA BÊTE DANS LA JUNGLE
Notes de travail autour du statut de l'image
Document de répétitions
Sabine Quiriconi
02 Aug 2001
Cahier de répétitions
Langue: Français
Tous droits réservés

Lorient, jeudi 2- août 2001

ÉRIC m'explique qu'il veut travailler sur le statut de l'image, et dans le même temps, sur le narratif Il associe systématiquement les deux questionnements : pourquoi refuser l'histoire, pourquoi refuser l'image ? Il n'emploie pas le mot "représentation".

Il insiste sur les matières employées pour le dispositif scénique : c'est de leur mélange , de la surprise crée par leur découverte progressive que doivent naître les incertitudes de la vision. Parce que les matières se mélangent, l'image ne tient plus. Il insiste encore : il veut mettre en scène les regards successifs pour montrer comment se fait le théâtre.

Où il est question d'un lys blanc, royal et mortel, du fantôme du père d'Hamlet, des fantômes et de ce que leur présence induit : la possibilité de jouer sans se voir, du cri d'Ernesto dans La Pluie d'été, des voix rapportées de Marguerite Duras, d'une robe, blanche et de la rectitude de la loi, de la maladie, de la consolation, d'une fête mortuaire, en habits de music hall, d'un minable dîner d'anniversaire, de la figure d'Isabelle Huppert dans Orlando mis en scène par Robert Wilson, d'Alceste qui retourne au désert à la fin du Misanthrope, des promenades que l'on peut faire à deux, des yeux, de L'Halluciné de Courbet, de la possibilité de porter un bandeau sur l'oeil comme Van gogh le portait à l'oreille, de ce qui touche, approche, cotoie sans qu'on puisse le voir, de Pierre Dac et de Francis Blanche. On s'arrête sur ces mots de John Marcher à Catherine Bertram au dernier tableau : "Je suis venu tous les jours".

Il faut bien que la représentation se termine.

Où l'on parle - un peu - de la lumière, de la possibilité de disperser toutes les images qui composent l'image en de multiples éléments indépendants, de faire disparaître le portrait, de blanchir les surfaces en éclairant les tableaux par derrière et en les retournant. Où l'on imagine une nuit totale dans laquelle on verrait tout, une sculpture de Virginia Woolf, au fond d'une roseraie blanche, signée par son amant.

Où l'on s'interroge encore sur les mots "loi", "honte" et "narcissisme". On ajoute le mot "croyance".

Où la loi devient oraculaire, où la pénombre éclaire le Livre, où il semble que la femme ait déjà lu ce que lui dit l'ange de l'Annonciation, dans le polyptique de saint Antoine par Piero della Francesca - ÉRIC raconte le tableau, longuement , explique comment le regard y est mis en scène - , où l'on tombe inévitablement dans le puits de Sainte Lucie. C'est la fin de la lumière.

À Pérouse (entre 1460 et 1470)
Dimension de la toile : 338 x 230 cm "[Piero della Francesca] se livrerait ici , (...) à un jeu de trompe-l'intelligence", terme duquel "l'œil de l'intellect" serait convié à reconstituer une profondeur fictive que Ici construction de la perspective aurait antérieurement rendue imperceptible à l'oeil sensible (Matrone, résumé par Arasse, p.41)".

Deux nouveaux tableaux sont arrivés. Ils représentent le premier comte de Strafford avec son chien (213,2 x 138,2) et un homme inconnu, peut-être un membre de la famille Vinck (199 x 126 cm).