Blog · L'Express · 14 juillet 2012 · La Faculté

Blog · L'Express · 14 juillet 2012 · La Faculté
Un spectacle où mise en scène et texte n’ont rien à faire ensemble.
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Laurence Liban
14 Juil 2012
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14 Juillet 2012 · Laurence Liban

La Faculté d’Éric Vigner et Christophe Honoré: une rencontre manquée 

Il règne une atmosphère de réalisme magique dans la cour du Lycée Mistral où nous nous installons sous une lumière de lune et découvrons la neige de sable clair et les dunes qu’elle forme entre les pins. Jeunes gens en short dans la neige, désir amoureux, passage à l’acte, transgression, mort. Un drame. Peut-être une tragédie. Ainsi se présente La Faculté, pièce commandée par Éric Vigner, directeur du Cdn de Lorient, à Christophe Honoré. Destinée à l’Académie, laboratoire théâtral rassemblant une dizaine de jeunes comédiens de toutes origines, cette pièce se situe opportunément dans le cadre d’une université, d’où sont nom: La Faculté.

Donc, shorts, chemises vite arrachées, joie. Donc, vengeance des frères du garçon "séduit". Meurtre abominable. Joie du meurtre à plusieurs. Et tout se qui se passe ensuite, la conspiration du silence,  la loi du silence violée et son violeur puni.

Christophe Honoré rode autour de thèmes qu’il rassemble en une sorte de scénario de ce qui pourrait faire un excellent moyen métrage: l’homosexualité, la famille, le racisme, etc. Quant à Éric Vigner, être poétique au sourire de Joconde (soyons fou), il s’est emparé de ce texte comme s’il s’agissait d’un Claudel (j’exagère) ou plutôt d’un Koltès. Mais Honoré n’est pas Koltès et ne cherche pas à l’être. Par ce que j’appelle, à tort ou à raison, une sorte de réalisme magique, Vigner attire la pièce dans un univers où il n’a peut-être rien à faire et, dès lors, le prive de l’énergie brutale, vitale, qui est la sienne. On assiste donc à un spectacle où mise en scène et texte n’ont rien à faire ensemble.

Cette rencontre "malencontreuse" entre l’indéniable beauté du travail de Vigner et le texte de Honoré se laisse regarder entre malaise et plaisir. Ce matin, je retrouve, obsédant et mystérieux, le paysage de neige et de lune conçu par Éric Vigner. Comme un poème de Paul Celan dont me reviennent des bribes: "Neige au dessus de nous deux…", "Nous tombons et tombons… " , "Lune tatare…" 

En voici un extrait, pour le plaisir et la beauté:
"Sur la corde de souffle
verticale, autrefois,
plus haute qu’en haut,
entre deux nœuds de douleur, tandis
que la luisante
Lune des Tatares grimpait vers nous,
je me suis affouillé en toi et en toi."