Ouest France · 2 septembre 1999 · SAISON 1999

Ouest France · 2 septembre 1999 · SAISON 1999
Interview d'Éric Vigner lors de la venue de Catherine Trautmann à Lorient.
Presse régionale
Territoire
Alain Tchérépoff
02 Sep 1999
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

2 septembre 1999 · Alain TCHÉRÉPOFF

Éric Vigner bien dans sa mission : le metteur en scène s'explique sur les ambiguïtés locales liées à son travail

Dans quelques jours, Éric Vigner va présenter la nouvelle saison proposée aux Lorientais par le centre dramatique de Bretagne. Où en est le metteur en scène dans sa relation avec Lorient?

On dit que vous coûtez cher aux Lorientais. On dit que vous ne faites pas assez diffusion. On dit que vous ne proposez pas un théâtre populaire. On dit que vous auriez voulu être le directeur de la future salle de spectacles. On dit, on dit. Et vous qu'en dites-vous?

Je dis qu'il est temps de lever certaines ambiguïtés. Ce qui est gênant, c'est le mépris par ignorance. Beaucoup de ceux qui me critiquent, qui critiquent le CDDB, n'ont pas vu le travail considérable qui y est accompli, y compris sur cette ville.
Le CDDB produit de nouvelles formes dramatiques. Quelque chose est en train de s'inventer à Lorient. Nous sommes reconnus au niveau national : cinq productions du CCDB ont tourné en même temps à l'extérieur, la saison passée. Une grosse partie de notre travail, les deux-tiers environ, s'effectue à l'extérieur : c'est du retour d'image pour Lorient. On sait aujourd'hui en France qu'il s'y passe des choses en matière théâtrale.
En plus des spectacles que nous présentons, le CDDB assure 1 200 heures de formation au théâtre par an. Il s'intéresse particulièrement aux jeunes et a, à ce titre, une utilité civique : nous apportons à ces jeunes une ouverture sur l'extérieur.
C'est vrai qu'il y a de ma part un déficit de communication sur Lorient. Je suis invité partout. Mais si j'allais partout, quel temps me resterait-il pour le théâtre ? Une des tâches du nouveau secrétaire général du CDDB, Philippe Arretz, sera d'assurer cette part de communication.

Vous ne faites pas assez populaire ? Vous ne faites pas assez de diffusion ?

Ce n'est pas ce pourquoi j'ai été nommé à Lorient. On ne m'a pas dit : venez diriger le théâtre de Lorient. On m'a demandé : quel est votre projet artistique ? Quand la tutelle, le ministère de la Culture, donne de l'argent, c'est sur un projet artistique. Mon projet était d'implanter un véritable centre de création contemporaine, de faire un travail qui soit reconnu au plan national et international. Ce qui a été fait. Catherine Trautmann considère Lorient comme un centre novateur. C'était également d'accueillir des artistes en résidence. Ce que nous avons commencé à faire. C'était enfin de faire un festival d'été. Ce qui n'a pas été fait car, ici, les choses se diluent. On ne vous dit pas oui ou non. Je n'ai jamais obtenu de réponses claires. Je ne peux pas faire de la diffusion au sens large car ce n'est pas pour cela que j'ai été missionné, que j'ai reçu de l'argent. C'est pour créer, pour produire.

La création, ça coûte cher. Est- ce que vous coûtez cher ?

Sur mon nom, j'ai amené une subvention annuelle de l'État de 2,25 millions. L'État a montré qu'il cautionnait l'activité du CDDB en augmentant son aide de 800 000 F en finançant des travaux. Au départ, il y avait parité de la participation État-ville. Ensuite, la ville n'a pas suivi à la même hauteur. La production de spectacles coûte cher. Les six millions de subventions que nous recevons n'y suffiraient pas. Il nous faut trouver de l'argent ailleurs. En dehors de ces subventions, ce sont chaque année six à sept millions que le CDDB amène à Lorient. Nous percevons six millions d'aides quand le Théâtre national de Bretagne à Rennes en reçoit 30, quand le Théâtre national de Strasbourg en reçoit 60, quand Quimper qui ne fait que de la diffusion en touche 13. Avec très peu d'argent, le CDDB et Lorient sont reconnus partout en France.

Vous rêviez de diriger le futur équipement culturel ?

Ça n'a jamais été le cas. Ma volonté profonde n'est pas de diriger des salles mais de faire mon travail de metteur en scène. Si au moment des études, le CDDB a été mis en avant, c'est parce qu'il est l'acteur culturel le plus actif. C'est vrai que j'ai donné mon point de vue et que j'ai dit que je souhaitais une jauge plus petite : au-delà de 700 places, ce n'est plus du théâtre.

Ça sera l'espace culturel de la ville. Je n'ai pas d'inquiétude sur l'architecte qui a été choisi. Il fera les choses bien. Quel est le projet artistique de la future salle ?

Le théâtre et le CDDB y auront leur place mais, si j'ai bien compris, il sera dirigé plutôt vers la musique. On pourra faire de la diffusion dans de meilleures conditions. Faire venir la Comédie-Française coûte aujourd'hui coûte trop cher. Avec les 300 places du CDDB, on perd trop d'argent. Cette future salle devra être le moyen de fédérer les énergies culturelles de la ville : vagues de concert, CDDB, festival interceltique, concerts classiques, etc. Il me semble, pour l'instant, qu'il y a un déficit du côté de la danse.

Bientôt une nouvelle saison ? Quelles en sont les tendances ?

Nous y reviendrons dans quelques jours. Dans les trois prochaines années, nous souhaitons faire travailler trois metteurs en scène essentiellement sur Lorient : Éric Ruf, Arthur Nauzyciel et moi-même. Tous les trois sommes à la Comédie-Française. Nous partageons le travail, le lieu, l'argent, la compétence.
Autre axe, le développement des liens internationaux avec dès cette saison l'Italie. Nous avons des contacts aux USA, au Japon, en Allemagne.
Enfin je n'ai pas abandonné l'idée d'un festival d'été. Ce serait un festival de l'innovation, de recherche européenne en art dramatique.