Interview · Rémi De Vos · JUSQU’À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE

Interview · Rémi De Vos · JUSQU’À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE
Interview avec l'auteur
Note d’intention & entretien
Danielle Mesguich
14 Oct 2006
SCÉRÉN · Services Culture Éditions ressources pour l'Éducation Nationale
Langue: Français
Tous droits réservés

Interview · RÉMI DE VOS

Entretien réalisé par Danielle Mesguich · 14 octobre 2006 à Lorient

RÉMI DE VOS, quelle est la genèse de ce texte et pourquoi ce titre ?

RÉMI DE VOS : J'ai longuement hésité pour le titre. Il est vrai que Jusqu'à ce que la mort nous sépare est difficile à prononcer. Surtout pour un écrivain comme moi qui se soucie avant tout de la phrase, des sons, de la musicalité du texte, vraiment, le "jusqu'à ce que", est difficile à dire. Mais finalement ça marche et c'est le titre qui est resté.
Quelle est la façon dont j'ai écrit le texte ? Je n'écris jamais avec un plan, jamais avec des idées en amont. Pour ce texte, j'étais seul dans un café à Paris. Est arrivée la patronne qui a dit : "Ah bah ça va, ç'a pas été trop long". J'ai compris dans la conversation qu'elle avait avec le serveur, qu'elle avait assisté à l'enterrement d'un grand-oncle, et que ce n'était pas triste parce que justement il était très âgé. Elle a d'ailleurs dit cette phrase que j'ai gardée dans le texte "À cet âge-là quand on meurt, les gens ont moins de chagrin". C'est cette phrase qui a déclenché l'écriture. J'ai imaginé le retour d'un fils chez sa mère qu'il n'a pas vue depuis des années, à l'occasion du décès de la grand-mère. Des retrouvailles.

Je voulais écrire une pièce où il n'y ait pas d'humour, qui ne soit pas drôle du tout. J'ai essayé de m'y tenir dans les premières pages. Il y a des retrouvailles sensibles entre une mère et un fils. Mais il y a déjà des signaux d'alarme, quand le fils parle de la musique dansante qu'affectionnait sa grand-mère et qui passait pendant la cérémonie. J'ai écrit ça en me disant que je l'enlèverai plus tard. Mais quand j'écris, ce sont toujours les personnages qui prennent le dessus. À un moment, Anne, la fille, fait tomber l'urne qui contient les cendres de la grand-mère et cela va faire virer complètement la pièce. C'est alors que nous rentrons à ce moment-là dans la mécanique folle du mensonge à la mère. C'est toujours assez compliqué de parler de mes textes, parce qu'à partir du moment où j'ai l'angle d'attaque pour l'écriture, ce sont vraiment les personnages qui prennent l'initiative et cela peut aller assez vite. J'ai écrit Jusqu'à ce que la mort nous sépare très vite, en trois semaines. Cela veut dire que c'est quelque chose qui me tient, qui me possède.

Mon grand plaisir est d'avoir un metteur en scène de la classe d'Éric Vigner - ce n'est pas toujours le cas - qui me dit des choses sur le texte, des choses auxquelles je n'ai pas du tout pensé, que je n'ai même pas vues et qui en fait une relecture totale. Moi je n'ai pas forcément d'images quand j'écris, pas d'acteurs précis. C'est juste de l'écriture.

Comment faites-vous pour aborder des thèmes graves en faisant rire ? Avez-vous une recette ?

R.D.V. : C'est peut-être une tournure d'esprit. Il suffit de regarder Beckett, qui dit "Rien n'est plus drôle que le malheur", ou Charlie Chaplin. On glisse sur une peau de banane, cela fait rire. Il y a un rapport étroit entre le malheur et le drôle, entre la tragédie et la comédie. Chez moi, c'est très lié.

Je m'interroge sur la construction de votre pièce ; il y a une alternance de dialogues, avec des répliques très courtes et quelques monologues du fils. Pouvez-vous expliquer comment vous l'avez construite ?

R.D.V. : Il y a différents paliers dans la pièce. Un des personnages arrête l'action et vient parler au public, au quatrième mur. J'ai entendu ça dernièrement dans une fac, c'est l'ultra-modernité de l'adresse au public de faire sauter le quatrième mur, mais je trouve que c'est une solution de facilité, c'est simplement qu'à un moment on donne des précisions, ça évite des scènes d'explication. Àce moment-là l'action s'arrête et le personnage dit où il en est de ses relations avec la personne avec laquelle il vient de parler ou avec laquelle il va parler. Le théâtre permet ça. Les monologues ne sont pas très longs, ils font une page, c'est juste pour que tout le monde soit au courant des tenants et des aboutissants. Même s'il est question de mort et d'amour (des thèmes un peu tabous), cela permet une légèreté de ton.

Vous êtes en résidence au CDDB - Théâtre de Lorient. Qu'est-ce que cela signifie ?

R.D.V. : Je suis en résidence depuis septembre 2005. Cela signifie d'abord écrire. J'écris actuellement une autre pièce pour Éric Vigner ; et puis une fois par mois j'organise une rencontre avec le public et j'invite des auteurs de théâtre amis. Ils sont tous plus jeunes que moi. C'est important pour nous, les auteurs, d'être devenus proches et liés, parce que nous sommes chacun très solitaires. Il y a Fabrice Melquiot, Marion Aubert, David Lescot, Christophe Pellet, Nathalie Fillion et moi. Nous préparons donc pour ces rencontres avec le public des cadavres exquis, des lectures de nos textes et ça se passe très bien.