Ouest France · 4 mars 1998 · TOI COUR, MOI JARDIN

Ouest France · 4 mars 1998 · TOI COUR, MOI JARDIN
Drôle et subversif
Presse régionale
Avant-papier
Benoit Le Breton
04 Mar 1998
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

4 mars 1998 · BenoÎt LE BRETON

VIGNER bouscule paroles et musiques

À partir de ce soir, ÉRIC VIGNER crée Toi cour, moi jardin au centre dramatique de Bretagne, théâtre de Lorient. Une pièce où textes et musiques s'imbriquent jusqu'au délire le plus vertigineux. Encore une création à hauts risques pour le directeur du théâtre de Lorient à la démarche résolument expérimentale.

"L'équipe lorientaise assume la création de A jusqu'à Z. Des décors à l'éclairage, jusqu'aux costumes, conçus par la fille qui tient le bar du théâtre. C'est une ancienne couturière... " Éric VIGNER insiste sur cette mobilisation locale. Rien d'anodin de la part du directeur du CDDB, régulièrement taxé de parisianisme forcené. D'autant moins que l'ouverture d'un centre dramatique national à Lorient se profile à l'horizon 2001.

"Avec Toi cour, moi jardin », nous comptons prendre date, créer une pièce-événement d'un genre encore jamais vu dans la région, assure ÉRIC VIGNER. J''ai, en effet, la ferme intention de faire de ce futur CDN un lieu d'exception."

Pour ce faire, il a placé la barre bien haut, en travaillant sur des textes et des musiques de Jacques Rebotier, un auteur, hors-normes.
"Un bricoleur de génie qui, pour la première fois, délègue la mise en scène de ses oeuvres,
précise le patron du CDDB. En s'inspirant de situations, de conversations du quotidien, il cherche à rapprocher la parole, l'écrit de la musique. Cette dernière finissant par avoir du sens, en lieu et place du texte qui perd toute signification pour glisser vers la poésie. La musique, on l'entend, aujourd'hui, partout. Prisonnière de la technologie, elle peut se passer de l'homme, de l'interprète. Une dérive, forcément inquiétante, pour tous ceux qui défendent le spectacle vivant."

Drôle et subversif

Arthur Nauzyciel, artiste associé au centre dramatique, est le seul comédien de la pièce. Une soprano et cinq musiciens de l'ensemble Sillages de Brest l'accompagnent sur scène.
"L'oeuvre de Rebotier les pousse à jouer des choses qu'on leur a interdit de faire pendant quinze ans de conservatoire, raconte Nauzyciel. Le comédien, aussi, doit remettre en cause toutes ses conventions. Il doit moduler sa voix en fonction des sons, commencer tout bas, par exemple, pour finir en hurlant ! Rebotier est un auteur subversif, un poète, pour qui faire de la poésie, c'est frôler la bêtise... »

Toi cour, moi jardin risque de dérouter plus d'un spectateur. Éric VIGNER rejette, néanmoins, l'étiquette de "pièce pour intellos". Au contraire, assure-t-il. Elle se veut drôle, délirante et ludique. Si les gens ne rient pas, on aura raté notre coup." Encore un pari audacieux du directeur du CDDB qui, il est vrai, n'en est plus à un près...