Ouest France · 21 novembre 1998 · MARION DE LORME

Ouest France · 21 novembre 1998 · MARION DE LORME
Oratorio limpide
Presse régionale
Critique
21 Nov 1998
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

21 novembre 1998

Oratorio de HUGO à la gloire du verbe

ÉRIC VIGNER met en scène MARION DE LORME

Pièce de jeunesse de VICTOR HUGO, MARION DE LORME, écrite en 1829, est considérée comme le manifeste du théâtre romantique. Le directeur du Centre dramatique de Bretagne, ÉRIC VIGNER remet à l'honneur, dans une mise en scène épurée et contemporaine, ce texte limpide en alexandrins, tout à la gloire du verbe.

Connu pour son goût des textes contemporains, ÉRIC VIGNER, directeur du Centre dramatique de Bretagne, crée avec MARION DE LORME, sa deuxième pièce du répertoire classique. Écrite en 1829, par VICTOR HUGO jeune, l'auteur préféra la mettre de côté pour éviter les coupes qui lui étaient imposées par le régime de Charles X. C'est donc dans sa version, complétée d'une préface manifeste, que le metteur en scène lorientais a choisi de la présenter au public.

Une préface primordiale dans le sens, où elle définit la genèse de oeuvre et son ambition romantique, entièrement dévouée à la gloire du verbe. "C'est le manifeste en acte du théâtre romantique naissant", explique ÉRIC VIGNER, directeur du Centre dramatique de Bretagne. Cette pièce, pourtant peu jouée, fait de lui le chef de file du mouvement. "On y retrouve l'idée essentielle selon laquelle il faut que tout meure pour que tout vive." Geste transgressif qui consiste à exalter le passé et le tuer.

En 1831, alors que sort MARION DE LORME, l'heure est à la tolérance et à la liberté. Ainsi, les affaires littéraires peuvent-elles être prises littérairement et le théâtre, théâtralement. C'est en tout cas, ce à quoi aspire alors VICTOR HUGO, qui à 27 ans, ambitionne d'être à la fois Corneille et Shakespeare.

Oratorio limpide

C'est donc avec toute sa fougue qu'il transforme une intrigue de cape et d'épée se déroulant à l'époque de Louis XIII et Richelieu, en un oratorio limpide tout à la gloire du verbe.
En optant pour une mise en scène sobre et d'une grande beauté plastique. les alexandrins résonnent avec toute leur puissance d'évocation. Par leur jeu décalé, les comédiens créent une distance avec l'intrigue et ne succombent jamais dans une quelconque grandiloquence. Seul le rythme et la poésie des vers comptent et transportent le spectateur.   
C'est là tout le talent d'ÉRIC VIGNER, qui par son adaptation et son dispositif scénique, fait de cette pièce, une oeuvre très actuelle, critique du pouvoir et de la tyrannie. Un manifeste politique et poétique à l'épreuve du temps.

Avec l'appétit de la jeunesse

Pourquoi avez-vous choisi de monter MARION DE LORME ?

ÉRIC VIGNER : Je n'ai pas choisi de monter MARION DE LORME. Le texte s'est imposé à moi. En fait, le projet est né par hasard, car excepté Corneille et Racine, j'ai surtout travaillé des écritures contemporaines. On m'a proposé de faire un atelier avec les élèves de l'École nationale de Strasbourg, pour lequel je voulais rencontrer un auteur de langue française dont le théâtre soit plus expressionniste. C'est avec ce projet en tête, et aussi en souvenir des mises en scène de Lucrèce Borgia et d'Hernani, d'Antoine Vitez, que j'ai lu HUGO et découvert MARION DE LORME.

Comment représenter ce texte que l'on considère comme le manifeste du romantisme ?

C'est en effet un théâtre qui veut tout et son contraire, qui se heurte donc au problème de la représentation. Aujourd'hui, le " tout " est impossible à représenter. Néanmoins, on peut montrer comment ce théâtre s'élabore. Très ouvert, le théâtre de HUGO propose une vision de ce qu'est le monde ancien et de ce que pourrait être le monde nouveau et demande au spectateur de se situer par rapport à ces hypothèses, en tant que personnes. Car le théâtre romantique est une exaltation du moi. Tout cela n'implique pas de choisir le monde romantique contre le classique, car les romantiques veulent tout.

Comment définiriez-vous, donc cette pièce charnière ?  

HUGO a écrit MARION DE LORME en trois semaines avec tout l'appétit de la jeunesse, avec une liberté incroyable. Il y a dans cette pièce toute la folie du langage, le foisonnement de la parole. Pourtant, MARION DE LORME, n'en est pas moins très bien construite. C'est aussi une pièce où le charnel, l'esthétique, le spirituel, le politique sont mêlés. Encore une fois, les romantiques veulent tout : le plaisir et le spirituel. Marion est aussi un manifeste poétique.