Le Télégramme · 24 novembre 1998 · MARION DE LORME

Le Télégramme · 24 novembre 1998 · MARION DE LORME
Épuré mais soigné, et le verbe se retrouve au centre de la scène + Débat Quimper
Presse régionale
Critique
Éliane Faucon-Dumont
24 Nov 1998
Le Télégramme
Langue: Français
Tous droits réservés

Le Télégramme

24 novembre 1998

Marion de Lorme  ce soir et demain à La Passerelle

La pièce de VICTOR HUGO, MARION DE LORME, est présentée ce soir et demain à La Passerelle, dans une mise en scène d'ÉRIC VIGNER (CDDB-Théatre de Lorient) qui bouscule les principes. Objectif : dépasser la querelle entre classicisme et romantisme.

Marion de Lorme était une des plus belles et des plus intelligentes courtisanes qui défrayèrent la chronique du XVII' siècle. Elle vécut de 1613 à 1650 et son salon, où se pressait une véritable cour, rivalisait avec celui de Ninon de Lenclos. HUGO s'inspira du personnage en le transposant dans le domaine de la poésie romantique. Dans ce drame, elle mène une existence solitaire, purifiée par les sentiments qu'elle voue à Didier, un mystérieux gentilhomme mélancolique. La passion de ce dernier, l'amène à se battre en duel avec un marquis, l'ancien amant de Marion. Le combat est interrompu, et Didier, condamné à mort. Marion se prostitue au chef de la police pour le faire évader...

Le romantisme mis à nu

C'est une pièce que VICTOR HUGO a écrite en trois semaines à l'âge de 27 ans. "Il y a dans cette pièce toute la folie du langage, le foisonnement de la parole. Pourtant MARION DE LORME n'en est pas moins extrêmement bien construite dramaturgiquement parce que la question des romantiques, était de savoir comment rester libre dans le respect de la forme imposée ?" explique Éric VIGNER, le metteur en scène. Dans sa création, le directeur du théatre lorientais dépouille le romantisme de tous ses artifices et privilégie le texte (les alexandrins défilent...) dans un décor décalé par rapport à l'époque.

Résultat : trois heures d'une grande limpidité, débarrassées de tout le fatras romantique pour servir, l'intensité dramatique et explorer tous les ressorts du théatre. C'est épuré mais soigné, et le verbe se retrouve au centre de la scène. ÉRIC VIGNER, qui s'est surtout fait connaître pour son goût pour les textes contemporains, explique son entreprise de mise à nu du romantisme : "le théatre de VICTOR HUGO est avant tout de la poésie, et c'est à chaque spectateur de se faire son propre théatre. C'est bête mais j'en reviens toujours à l'origine : au commencement était le verbe..."

À noter, pour les inconditionnels de la touche romantique : les musiciens ne sont autres que le superbe ensemble Matheus avec, notamment, au programme deux valses de Strauss et l'ouverture de La Traviata.

Rencontre avec les comédiens

À l'occasion des deux représentations prévues ce soir et demain soir, La Passerelle organise une rencontre publique avec les comédiens et le metteur en scène, ÉRIC VIGNER, du Centre dramatique de Bretagne - Théatre de Lorient. Cette rencontre (ouverte à tous) est proposée mercredi après-midi de 14 h à 15 h 30 au Forum de La Passerelle. L'entrée sera libre.

 

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Scène nationale Michel Rostain "Vive le débat !

Recueilli par E. Faucon-Dumont

Bach, d'Alain Platel, Une nuit à l'Elysée et surtout MARION DE LORME, présentée dans une mise en scène d'ÉRIC VIGNER, .ont engendré un vît débat parmi les spectateurs du Théâtre de Cornouaille.

Quinze jours après sa présentation, MARION DE LORME nourrit encore les conversations. Nous avons donc voulu connaître la position de Michel Rostain, directeur de la Scène nationale sur les diverses réactions du public : "Ces trois pièces ont visiblement troublé leur auditoire. Personne, cependant, n'a dit qu'elles étaient dénuées de qualités. Bach, d'Alain Platel, a divisé, tout comme Marion de Lorme, qui a aussi impressionné par la qualité du travail du metteur en scène et par le jeu des acteurs. Certains spectateurs m'ont écrit en me disant qu'ils n'avaient pas aimé. Les autres, qui ont été conquis, n'écrivent pratiquement jamais, mais le public a mille façons de dire sa satisfaction. Nul ne m'a dit que la pièce était médiocre. Bien sûr, après certaines représentations, on débat. Il y a les pour et les contre... Tous, cependant, posent des questions intéressantes".

Toutes les pièces doiventelles faire l'unanimité, recueillir l'enthousiasme général ?

"Non, évidement, ce serait un échec. Notre rôle est de faire découvrir et proposer de nouvelles sensations, de nouvelles émotions, de nouvelles intelligences. Et quand c'est nécessaire, animer le débat des pour et des contre".

Aimer ou pas...

"Aimer ou ne pas aimer, cela n'empêche pas de revenir au théâtre. Ce n'est pas parce que l'on a détesté un film que l'on ne retourne pas au cinéma la semaine suivante. Mais le théâtre touche une fibre plus profonde, l'attente est différente et quand la déception est là, elle est profonde".

"Nous avons à la Scène nationale un rôle fragile, difficile à assumer, dont nous sommes fiers. Nos propositions sont de qualité et nous souhaitons vivement engager des débats qui donnent envie de venir et de revenir au spectacle. Nous réfléchissons à mettre en place des séances qui permettraient au public d'ouvrir des discussions après certaines pièces. Nous n'avons pas encore trouvé la bonne formule, mais nous avançons".

"Je respecte profondément le public, en parlant franchement, je ne peux pas dire que ceux qui ont aimé une pièce soient des cons, pas plus que je ne dirai que ceux qui ne l'ont pas aimée le sont...Ce qui m'intéresse, avant tout, c'est la qualité des débats engendrés".