Ouest France · 1 juin 2000 · L'ÉCOLE DES FEMMES

Ouest France · 1 juin 2000 · L'ÉCOLE DES FEMMES
La Comédie-Française est très heureuse de se déplacer.
Presse régionale
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Benoit Le Breton
01 Juin 2000
Ouest France
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Ouest France

1 juin 2000 · Benoit Le Breton

Lorient reçoit la Comédie-Française

Sous l'impulsion d'ÉRIC VIGNER, directeur du Centre dramatique de Bretagne, la Comédie française se déplace, fait rarissime, pour deux représentations à Lorient. Elle donne, jeudi et vendredi, L'ÉCOLE DES FEMMES de MOLIÈRE.
Le rituel de la Comédie-Française est très précis et hiérarchisé, surtout à l'extérieur de l'enceinte du Palais-Royal. Lorsque ses acteurs sont reçus, mercredi, dans le salon d'honneur de l'Hôtel de ville, Catherine Samie, la doyenne, présente chaque membre de la troupe. L'actrice la plus gradée dispose en effet du privilège de parler au nom de la prestigieuse Société. Et elle le fait avec un certain humour. "La Comédie-Française est très heureuse de se déplacer. D'autant plus, dit- elle, que ça n'arrive vraiment pas souvent. La dernière fois doit remonter à 1800 et quelques..."

Une expérience à renouveler

En vérité, la délocalisation de la troupe se produit à peu près tous les cinquante ans. "C'est donc, comme l'a souligné le maire, Norbert Métairie, un immense honneur pour Lorient. Notre ville nourrit une tradition d'amour pour le théâtre. La période la plus faste était évidemment celle d'entre-deux-guerres. La destruction du théâtre en 1943 a compliqué les choses, mais le développement du Centre dramatique a permis de rétablir l'équilibre."

Aujourd'hui, ÉRIC VIGNER dirige le Centre dramatique de Bretagne, dont l'aura dépasse largement Lorient. Cette année, ayant à mettre en scène L'ÉCOLE DES FEMMES pour l'ouverture de la saison de la Comédie-Française, il a émis un souhait particulier : que la pièce soit jouée à Lorient. À Paris l'automne dernier, la pièce a ainsi été donnée 50 fois dans la salle Richelieu, la plus fameuse de toutes. Plus de 30 000 spectateurs ont apprécié la mise en scène, pourtant controversée.
Dès leur arrivée à Lorient, les acteurs se sont rendus au théâtre pour une première répétition.
"C'est une salle magnifique, estime Catherine Samie. L'acoustique est excellente et la scène, un véritable régal." La doyenne exprime collectivement l'impatience qu'éprouve la troupe avant les représentations de ce soir et de demain. "C'est une heureuse expérience, conclut-elle. L'idéal serait que, dans l'avenir, nous montions une création ici pour aller la jouer à Paris ensuite."

La pièce la plus aboutie de MOLIÈRE

BRUNO RAFFAELLI est le 500e sociétaire de la Comédie-Française, étant entendu que MOLIÈRE fut le premier. Il est venu, mardi soir, à la Médiathèque évoquer L'ÉCOLE DES FEMMES, selon lui "la pièce la plus aboutie de MOLIÈRE", ainsi que son travail avec ÉRIC VIGNER. L'ÉCOLE DES FEMMES est à l'affiche du théâtre de Lorient, ces jeudi et vendredi.

"VIGNER a été très critiqué par certains, loué par d'autres. Pour ma part, le travail avec Éric m'a beaucoup intéressé." En tant que sociétaire de la Comédie-Française, BRUNO RAFFAELLI connaît, forcément, ses classiques. Le répertoire n'a plus guère de secrets pour lui. L'aborder avec un jeune metteur en scène, comme le patron du théâtre de Lorient, l'a visiblement emballé.
"Avec lui, nous avons énormément travaillé sur le texte, confie-t-il. Contrairement à une mode, qui consiste à simplifier le vers pour le rendre plus abordable, ÉRIC VIGNER respecte sa forme initiale. Avec raison car la poésie n'a pas d'âge. Or, L'ÉCOLE DES FEMMES est certainement la pièce la mieux écrite, la plus aboutie de MOLIÈRE, au niveau de la versification. Celle où la rime est la plus pure. C'est un long poème d'amour."

Dans la version de VIGNER de L'ÉCOLE DES FEMMES, qui a fait l'ouverture de la saison de la Comédie-Française en septembre dernier, BRUNO RAFFAELLI tient le rôle principal. Celui d'Arnolphe, l'amoureux pathétique et possessif de la toute jeune Agnès. Un rôle très lourd car c'est près de 1 000 vers que RAFFAELLI a dû mémoriser. "Arnolphe est, sans doute, le plus grand rôle que l'on puisse tenir dans une oeuvre de MOLIÈRE, assure le comédien. Un rôle difficile, mais magnifique. En écoutant les grands monologues d'Arnolphe, on a le sentiment d'entendre Don Diègue. Cette pièce témoigne, justement, de la profonde admiration qu'avait MOLIÈRE pour Corneille." Outre l'actualité, avec L'ÉCOLE DES FEMMES, le fonctionnement si particulier de la Comédie-Française a aussi fait l'objet de nombreuses questions de la part du public, mardi soir à la médiathèque. "Le hasard a voulu que j'en devienne le 500e sociétaire, sourit RAFFAELLI. Et j'en suis très fier !"