Le Figaro · 15 octobre 1991 · LA MAISON D'OS

Le Figaro · 15 octobre 1991 · LA MAISON D'OS
Un spectacle de troupe.
Presse nationale
Critique
Marion Thébaud
15 Oct 1991
Le Figaro
Langue: Français
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Le Figaro

15 octobre 1991 · Marion Thébaud

éric Vigner joue avec l'Arche de La Défense

Il y met en scène LA MAISON D'OS de ROLAND DUBILLARD.

Il a trente ans et l'envie de soulever les montagnes. Résultat, il signe un spectacle très attendu dans un endroit inattendu, La Maison d'os de Roland Dubillard, jouée sur le socle de la Grande Arche de La Défense. Un projet défendu par le Festival d'automne : Éric Vigner ou la relève des metteurs en scène.

Né en Bretagne, étudiant à Rennes, professeur à Caen, il envoie vite tout balader, monte à Paris, tente le concours de l'École supérieure des arts du théâtre située rue Blanche, rencontre Brigitte Jaques. Elle l'engage d'abord comme comédien pour La Mort de Pompée au Théâtre du Lierre, puis le choisit comme assistant metteur en scène pour Elvire Jouvet 40 : "J'ai toujours souhaité mettre en scène, explique Vigner. Il est passionnant de faire naître un spectacle, d'être à l'origine de tout. Mais je n'entends pas poursuivre une carrière de metteur en scène solitaire. Mon spectacle doit beaucoup à la troupe."

Vingt-deux jeunes comédiens, payés sur la recette, galopent dans tous les sens, puisent leur énergie dans l'oeuvre de Dubillard et reprennent à leur compte un de ses aphorismes : "Mieux vaut parler comme on veut que comme il faut."

La Maison d'os, créée il y a vingt-neuf ans au Théâtre de Lutèce, est une pièce qui ne ressemble à aucune autre : ton neuf, architecture singulière, personnages originaux qui trouvent un refuge dans l'humour. Quatre-vingts scènes jetées en vrac qui racontent l'histoire d'un vieillard mourant au grenier pendant que domestiques, amis, parasites font la noce à la cave. Coq-à-l'âne, blagues, dialogues de sourds, jeux de mots : la cuisine de Roland Dubillard.

"La Maison d'os me séduit, reprend éric Vigner, parce qu'elle n'est pas figée. C'est l'oeuvre d'un vrai poète qui jongle avec les mots, la syntaxe et la logique. C'est la pièce d'un homme hanté par l'abandon que provoque la mort d'un être cher. Un thème qui me touche profondément. Mais je n'ai pas voulu souligner le trait, risquer le pléonasme. Au contraire, le spectacle est coloré, vif, vivifiant. Mieux qu'une cure à Quiberon!"

Ajouter à cela le lieu, imprévu, l'Arche de La Défense : "J'aime travailler à partir de lieux qui ne sont pas des théâtres institutionnalisés. Je crois que c'est un moyen de susciter le désir du spectateur. Quoi de plus enthousiasmant que de voir un Corneille dans un couvent, par exemple? Pour que le public retrouve le goût d'aller au théâtre, il faut l'étonner. L'Arche de La Défense est un endroit secret. On croit le connaître. Erreur. J'ai prévu un voyage entre escaliers, arcades, passerelles, souterrains avant que le public atteigne le lieu du spectacle. Il y entrera comme dans un sanctuaire."

Le spectacle fut créé l'hiver dernier dans une usine désaffectée d'Issy-les-Moulineaux : "C'était un espace qui nous ramenait à la fin du XIXe siècle, un lieu écaillé, fatigué, tchékhovien, dit Vigner. À La Défense, c'est tout le contraire. Le spectacle prend une autre forme. J'ai pensé à Jacques Tati et, principalement, à son film Mon oncle qui illustre le règne des gadgets."

Éric Vigner nous propose un voyage singulier, promenade bouffonne où, au détour d'un escalier, derrière une colonne, on surprend le discours d'un clown métaphysique.