Le Méridional · 30 avril 1996 · L’ILLUSION COMIQUE

Le Méridional · 30 avril 1996 · L’ILLUSION COMIQUE
Une véritable expérience intérieure.
Presse régionale
Critique
Danièle Carraz
30 Avr 1996
Le Méridional
Langue: Français
Tous droits réservés

Le Méridional 

30 avril 1996 · Danièle CARRAZ

CORNEILLE l'enchanteur

Le metteur en scène breton ÉRIC VIGNER et ses comédiens nous donnent avec L'ILLUSION COMIQUE de CORNEILLE une magnifique leçon d'amour

"Mon fils comédien !" Ainsi s'exclame, consterné, Pridamant, le vieux père de Clindor qui a fui, quelques années plus tôt, la maison et la sévérité paternelles et que son errance a mené au beau métier de saltimbanque !

Mais après les éclaircissements de l'enchanteur qui lui donne à voir dans une grotte magique son fils disparu dans une "illusion" qui le bouleverse et le comble tour à tour, le vieux père rassuré, réconcilié avec son fils, conviendra : "Je suis content puisque je vous vois l'être".

Ainsi sans doute s'exclama le père de PIERRE CORNEILLE lorsque celui-ci parallèlement à sa charge d'avocat, se lança dans la brillante carrière que l'on sait : celle d'auteur dramatique, ce qui n'était après tout qu'une autre façon d'exercer son art d'orateur.

Une illustre illusion

En effet quelle magnifique défense et illustration de la force de son désir et du théâtre le jeune avocat et auteur de trente ans, ne donne t-il pas dans cette illusion comique, "cette étrange monstre, cette galanterie extravagante, ce caprice", ce caprice qui mêle magistralement théâtre et réflexions sur le théâtre, comique et tragique, illusion et vérité, vie et mort des êtres humains et du théâtre, démons et merveilles dont le théâtre, comme la vie, se nourrissent,

Une expérience intérieure

C'est aussi à une magnifique leçon de théâtre que nous convient le metteur en scène ÉRIC VIGNER et son scénographe Claude Chestier, une leçon de théâtre conçue comme une expérience intérieure.

Dans un labyrinthe rigoureusement ordonné de glaces frémissantes, les comédiens - tous magnifiques - apparaissent et disparaissent, ombres devenant de plus en plus réelles, corporelles, corps au contraire s'égarant en reflets, images se multipliant comme un écho visuel ou s'éteignant au gré des lumières et des ombres de Martine Staerk : Où est la réalité ? Et où l'illusion ?

Dans la chambre claire de l'espace scénique et dans le jeu incandescent des glaces et des ombres, c'est tout le théâtre qui naît sous nos yeux et littéralement se révèle comme sur une plaque photographique s'impressionnent des paysages et des personnages, et au-delà d'eux, une mémoire, une sensibilité,..

Aussi, impressionnante par sa légèreté dansante, son élégance et sa douceur fragile - typique à cet exemple, le Matamore extraordinaire de Grégoire Oestermann en refus, en impossibilité constante de violence et de brutalité, typique aussi la petite musique de nuit du quatuor de cordes Matheus - cette expérience théâtrale devient-elle, en toute transparence, une véritable expérience intérieure.