La Terrasse · Février 2007 · DE VOS · JUSQU'À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE

La Terrasse · Février 2007 · DE VOS · JUSQU'À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE
Interview de Rémi De Vos.
Presse régionale
Avant-papier
Manuel Piolat Soleymat
Fév 2007
La Terrasse
Langue: Français
Tous droits réservés

La Terrasse

février 2007 · Manuel Piolat Soleymat

Rémi De Vos : L'urgence comme moteur d'écriture

Quatre de ses pièces sont actuellement jouées sur des scènes parisiennes. Dramaturge du paradoxe et de la dérision, de la noirceur drolatique, de la quotidienneté tragi-comique, Rémi De Vos est l'une des figures montantes de l'écriture théâtrale française contemporaine.

La plupart de vos textes sont le fruit de commandes de metteurs en scène. Pourquoi ne pas écrire plus librement?

Rémi De Vos : Parce que j'ai la chance, depuis une dizaine d'années, que l'on me sollicite. Les metteurs en scène qui font appel à moi travaillent pour des structures ayant les moyens de financer l'écriture. Or, comme je ne suis pas intermittent du spectacle, comme je n'ai pas de deuxième métier et que mes droits d'auteur sont insuffisants pour que je puisse en vivre, cette façon de procéder me convient parfaitement. Je n'ai d'ailleurs aucun problème avec les contraintes induites par les commandes. Au contraire. D'une certaine façon, la pression de la date butoir, l'angoisse d'être en retard, l'inquiétude de la pièce à finir, sont pour moi de véritables moteurs d'écriture.

Cette forme d'urgence vous apparaît donc stimulante...

Oui, extrêmement stimulante. Généralement, j'écris mes textes à la dernière minute. Il n'est pas rare que ceux-ci soient programmés et affichés dans les théâtres alors que je n'ai pas encore fini de les écrire. Je travaille alors comme un forcené durant les dernières semaines. Si j'avais, comme beaucoup d'autres auteurs, une seconde activité, j'écrirais sans doute différemment, peut-être même pas du tout. Car, pour moi, l'aboutissement de chaque pièce représente une question de survie.

Comment se formulent ces commandes?

C'est très peu de choses, en fait : quelques idées de distribution, le nombre de comédiens... Cela ne va pas beaucoup plus loin. En ce qui concerne le thème, les metteurs en scènes ont tendance à me faire confiance. Car, souvent, je ne sais pas trop à l'avance où je vais. Mes pièces se construisent vraiment ligne après ligne. Elles dérivent de leur point de départ pour parvenir à un endroit totalement imprévu. J'ai donc appris à me laisser aller à mon inspiration, à suivre l'instinct et la part de travail inconscient qui guide mon imaginaire.

Qu'est-ce qui vous a mis sur le chemin de l'écriture?

L'amour et l'angoisse de monter sur scène. Jusqu'à trente ans, je n'ai pas écrit une seule ligne. L'écriture était quelque chose à laquelle je ne pensais pas du tout. Adolescent, souhaitant devenir comédien, j'ai suivi des cours de théâtre. Mais après cela, je n'ai pas rencontré le succès que j'espérais. J'ai donc vécu de petits boulots jusqu'à ce qu'une amie me propose de participer à un atelier d'acteurs qu'elle organisait au Théâtre Paris-Villette. A l'époque, je travaillais comme coursier à mi-temps et j'étais amoureux d'une actrice. J'ai accepté de participer à cet atelier car je pensais que cette relation n'avait aucune chance de durer si je restais simple coursier. Mais, comme j'avais très peur de jouer, j'ai choisi de prendre en charge l'écriture des petites scènes sur lesquelles les autres travaillaient.

Et votre écriture a plu...

Oui, les dialogues fonctionnaient, ils ont amusé les comédiens. Ces petits textes ont fini par être édités, lus, et un jour Alain Barsacq m'a passé commande de deux pièces. Ensuite, tout s'est enchaîné. Quand j'y pense, l'écriture est de loin la chose la plus surprenante qui me soit arrivée.

Le fait d'avoir découvert l'écriture dramatique ne vous a jamais donné envie d'explorer d'autres territoires littéraires?

Non. Je crois franchement que je serais incapable d'écrire autre chose que du théâtre. J'ai un problème avec l'expression d'un seul point de vue. Je suis quelqu'un de très paradoxal : je ne peux rien dire sans que le contraire m'apparaisse aussitôt valable. C'est pourquoi l'écriture de théâtre, qui permet d'avancer masqué, de se cacher derrière différents personnages, d'explorer toutes les possibilités d'une problématique, me convient tout à fait.

Quel regard portez-vous sur votre vie d'auteur dramatique?

Ecrire, c'est évidemment une activité passionnante. Mais, c'est aussi accepter une existence souvent solitaire. On est tout seul face à son ordinateur, ce qui ne me correspond pas complètement. Finalement, l'activité d'auteur dramatique est un peu en contradiction avec ce que je suis profondément. J'aimerais parfois exercer un métier plus social, plus collectif, plus ouvert sur les autres... Vraiment, lorsque je suis en période d'écriture, je vis comme un ermite, je ne parle plus qu'à ma boulangère.