Télérama · 27 avril 1996 · L'ILLUSION COMIQUE

Télérama · 27 avril 1996 · L'ILLUSION COMIQUE
Rire au Corneille
Presse nationale
Critique
Joshka Schidlow
27 Avr 1996
Télérama
Langue: Français
Tous droits réservés

Télérama

27 avril au 3 mai 1996 · JOSHKA SCHIDLOW

Rire au CORNEILLE

Cette joyeuse pièce de CORNEILLE prouve que l’auteur du CID est aussi un rigolo. Et ÉRIC VIGNER, un metteur en scène plein de talent.

Avant que le succès du CID ne le condamne à la tragédie classique, CORNEILLE fut l’auteur de pièces peuplées d’illusionnistes, de plaisantins, de ruffians, de bourgeois ventripotents et autres personnages hauts en couleur. Le mélodrame et la fantaisie y faisaient excellent ménage. Il n’est donc pas étonnant que le metteur en scène ÉRIC VIGNER, qui a depuis toujours un faible pour les textes énigmatiques, ait été tenté par son ILLUSION COMIQUE.

ÉRIC VIGNER fit ses premiers pas en montant LA MAISON D’OS, pièce pleine de rebondissements absurdes et de poésie de ROLAND DUBILLARD. Fort de ce premier succès - le spectacle fut repris en 1991 au Festival d’automne -, il ose s’attaquer à des auteurs à l’imagination aussi libre que MARGUERITE DURAS ou l’Anglo-Irlandais GREGORY MOTTON. Après avoir, avec un incontestable brio, fait ses classes à Paris, ÉRIC VIGNER, né il y a trente-cinq ans dans un village situé à vingt-cinq kilomètres de Rennes, a, depuis juillet dernier, retrouvé la Bretagne.

Nommé à la tête du Centre dramatique de Lorient, il dispose d’une salle de trois cent quarante places rénovée par le ministère de la Culture et les collectivités locales. Ce retour au pays, il l’a célébré en montant L’ILLUSION COMIQUE, que CORNEILLE considérait, non sans fierté, comme une "galanterie extravagante". Farceur et plein d’entrain, il nous égare dans un monde où la logique n’a pas cours. D’ordinaire plutôt obscure, cette bondissante comédie baroque aux nombreux retours en arrière apparaît, dans la mise en scène somptueusement policée d’ÉRIC VIGNER, parfaitement intelligible.

Seuls des miroirs et le grand rideau rouge des scènes à l’italienne - cette fois ouvert en permanence - égaient un plateau nu dans lequel s’ouvre une fosse d’orchestre. L’Ensemble Matheus y interprète une musique contemporaine aux accents étrangement caressants, composée par ses soins, qui accompagne le spectacle.

Il fallait, pour cette pièce hétéroclite, des comédiens capables de jouer sur le fil. Ce qui est le cas de GUY PARIGOT, superbe en vieux père éploré, et de GRÉGOIRE OESTERMANN, qui impose un matamore fascinant de forfanterie, de couardise et de dinguerie. ÉRIC VIGNER a été bien inspiré d’inaugurer son mandat à Lorient avec cette pièce - actuellement en tournée à travers la France -, où CORNEILLE fait l’apologie du théâtre qui réussit, entre autres prodiges, à réconcilier les pères et les fils et à faire se relever les morts.