Le Monde, 1962 · Bertrand Poirot-Delpech · LA MAISON D'OS

Le Monde, 1962 · Bertrand Poirot-Delpech · LA MAISON D'OS
La Maison d'Os ou "La métaphysique" à l'heure du cabaret poétique"
Dramaturgie
Bertrand Poirot-Delpech
1962
Le Monde
Langue: Français
Tous droits réservés

La Maison d'Os ou "La métaphysique" à l'heure du cabaret poétique"

Bertrand Poirot-Delpech · Le Monde · 1962

Il règne en monarque sur sa maison d'Os, mais son autorité est aussi fragile et illusoire que celle de la conscience et de l'esprit.11 ne parvient même pas à se représenter son propre appartement charnel et cède plus qu'il ne commande à ses domestiques, images obsédantes de l'ignorance, du doute , de l'oubli et de la mort qui rôde en lui.

Sous son masque burlesque, le héros ne fait que repousser, face à ces projections clownesques de lui même, les interrogations de toutes les philosophies (Platon, Descartes, Sartre, phénoménologie)...

...La plus haute pensée est surprise ici dans sa forme naïve, dans son accident bouffon, et à l'état naissant de matériel psychanalytique; le "cogito" vu en cauchemar, la métaphysique à l'heure du cabaret poétique.

Sous les gags, derrière l'absurdité, une émotion intense; scènes sur la mère, l'insaisissable passage de la jeunesse à la vieillesse, le droit à l'inspiration inexpliquée, le souvenir d'un mort chéri, la menace de la putréfaction, l'acuité des notations cinestésiques font penser à "l'espace du dedans" (H.Michaux).

La dramatisation heurtée des élans profonds de l'âme aux épures de Genêt, avec la pudeur en plus, une pudeur d'enfant. Tant de masques de peau les uns sur les autres, la seule action possible ne semble être que l'acte de mourir. Sa maison paraît intacte du dehors mais elle est rongée de l'intérieur.

Le seul acte vrai, c'est de mourir, les autres actions paraissent simulacres.Les domestiques représentent à la fois les sentiments et les pensées du Maître et les diverses attitudes de l'homme devant l'existence.
C'est beau comme un dialogue socratique dans lequel s'exprimerait l'univers d'Edgar Poe. Peu de textes sinon ceux de Beckett n'ont à ce point donné cette impression...